Max ALHAU, Le Fleuve détourné (L’Arbre à paroles, Amay, Belgique, 1995).

Il y a une sagesse de poète, plus pure, plus vraie, plus drue, plus habitable enfin que celle des sages de métier. Par ce fleuve détourné, souffrir est devenu connaître. De cette connaissance, le poète nous donne communion en cela même qui fut – et demeure – sa douleur : exil jamais consenti, et qui enseigne pourtant que seuls le blanc, la brièveté du souffle, de la vie offrent au monde sa légitimité. Aussi une extrême attention est-elle, dans ces proses fluides, vouée au plus ténu : la marge, les parenthèses, où s’inscrit l’essentiel, ou encore ce que l’on glane, les mains serties d’épines… Un dénuement nous illustre : d’avoir tout perdu, […] on commence à soupeser sa richesse. Une étoile se love dans nos mains […].

Cette belle et profonde méditation, par endroits volontiers aphoristique, s’achève en une célébration de la lumière : quelques lignes décisives pour un parcours cosmique au bout duquel les rêveurs de lumière auront vaincu l’absence pour l’éternité.

©Paul Farellier

(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 5, 4ème trimestre 1998)