Jean CHATARD : Pour le plaisir des hirondelles – textes sur des dessins de Claudine Goux (Éditions Soc et Foc, septembre 2005 – 12 €)

Voici un petit livre dans le sillage de Totem (qu’avait fait paraître le regretté Marcel Chinonis en 2001) et qui nous donne – tiré par le même attelage d’auteurs de talent – de bien agréables pages à lire et à voir. Le titre est déjà une figure aérienne dans le vent de l’inspiration. Page à page, jouant de l’empathie, nos deux artistes vont se contempler dans le miroir ami afin d’y trouver l’autre ‘je’, celui des mots ou, vice versa, des formes et des couleurs. Il s’agit, bien entendu, d’un certain regard, subjectif, que porte le poète sur l’objet dont l’image prend alors, dans le collage des mots, un second sens et se recrée en l’autre. Une manière de « bivouaquer sur l’autre paysage » Cette entreprise est toujours vouée aux écueils d’une interprétation qui s’éloigne ou au bonheur de celle qui se rapproche – selon la perception que chacun peut avoir du sujet appréhendé. Mais, l’exercice est intéressant et mérite d’être tenté avec ses chutes et ses envols pour le plaisir des hirondelles de nos yeux. À ce titre le texte, sans titre d’ailleurs : « Attentif à l’instant… » mérite une halte car il cerne bien le personnage inquiétant qui lui fait face « …seul dans la rapsodie du froid (…) Muré dans l’heure (…) austère et scrupuleux (…) coincé dans son miroir (…) il a peur du regard ».

Le trait d’humour n’est pas absent de ce livre d’heures et de couleurs où la vie joue ses variations sur la palette ou la page, passant du dessin au dessein, des formes à l’intention d’en décrypter le sens. Le « Repas de famille après le dessert » sur une composition de beiges et de bruns fort réussie, retient l’attention pour son émouvante cocasserie. Comment qualifier la création de Claudine Goux… Du néo-Cobra revisité par l’art négro-africain ? Peut-être… L’important est le partage : « Elle a cassé le geste elle a / donné sa voix à ce nouvel écho… » dont le poète a su s’emparer, le métamorphosant en chapelets de mots juchés sur un fil, telles des hirondelles, pour notre seul plaisir.

©Jacques Taurand

(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 21, premier semestre 2006)