PIERRE DHAINAUT : Paroles dans l’approche (L’Arrière-Pays, Auch – 1997)

Paroles dans l’approche : il y a derrière ce titre, simple et médité, beaucoup de la pensée du livre. La parole de Pierre Dhainaut, d’une intériorité qui n’est en rien clôture ni repliement sur soi, au contraire nous la sentons avant tout tributaire des êtres et des « choses », dont elle ne cesse de nous enseigner le chemin et, justement, l’approche :

Nous pencher sur le sable à marée basse
et ralentir et suivre pas à pas ces lignes sinueuses,
ces taches grises, entre les détritus de toutes sortes
où l’écume a séché, est-ce une limite
que montre la mer ? Ce qu’a écrit la vague imprévisible,
à nous de l’épeler.
[…]

Donc, un devoir de déchiffrage, étayé par la foi dans les pouvoirs du langage (Rien ne nous manque,/ rien ne semble étranger pour la langue attentive/ qui réunit le large à la mémoire/ et le mystère à la respiration d’une heure matinale) et surtout par cette faculté d’empathie, plutôt rare chez les poètes, par laquelle l’observation de l’autre se fait intellection profonde, devient vie en autrui. Ainsi, parfois, le regard s’est-il posé sur les vieillards (Ils n’obtiennent de paix qu’en leurs yeux clos,/ leur aube est si étroite) et, le plus souvent, sur le très jeune enfant : celle-ci, rieuse de fouler le craquement des feuilles mortes dans ce matin consacré à la lumière, ou encore sans retard à l’unisson de ce qui vient, quand elle s’apprête à découvrir l’arrivée de la neige, qu’elle ne connaît pas encore ; et ceux-ci, livrés à la nuit et à ses frayeurs, et retrouvés immobiles, debout/ à l’avant du berceau […] la peur en eux plus ferme que la nôtre,/ nous les aidons si peu/ à reprendre souffle et si peu de temps. Et ceux-là encore, d’un autrefois lointain, qu’enfante le souvenir de leur chant dans le si beau poème d’une futaie :

[…] sous les arbres
où les oiseaux commandent aux lumières,

[…]
serions-nous essoufflés une journée complète
à nous tenir à hauteur de leurs lèvres,
nous quitterons très tard la forêt parturiente.

La parole, tout au long de ce recueil, n’est pas moins attentive à tous les jeux des éléments et du paysage, au vent, aux goélands, à l’alouette, aux hirondelles quand elles partent/ comme les enfants dans leurs rondes/ aux cris infatigables. Ce livre est à lire sans faute, et à garder tout près de soi pour y revenir souvent, les richesses ne pouvant s’en découvrir que peu à peu, dans la lenteur de l’approche.

©Paul Farellier

(Note de lecture in Le Cri d’Os, n° 21/22, 1er semestre 1998, p. 132)