Jean-Philippe AYZIER : Ici là & ailleurs (Édition ‘Les Caillochonnes : Association pour l’Art en tous Lieux’ – Coll. « Poésie contemporaine » – avril 2003 – 9 €)

Jean-Philippe Ayzier, peintre et poète nous donne ici à lire et à voir. De son écriture, toujours proche de la toile et de ses couleurs à géométries variables, naissent des visions entées sur un réel incertain qui ne tarde jamais à dériver sur le fleuve de l’imaginaire du poète : « …selon l’humeur qui vous habite en ces instants de solitude où les couleurs conditionnent la vision que l’on prête au monde environnant pour y trouver un peu de soi-même dans l’insignifiance d’un paysage aux allures de monochrome véritable toile de réflexion… ». Ce petit livre, finement conçu, nous offre une succession de textes en prose ou en vers qui sont des sortes de jetées, des promontoires vers le large des rêves. Le voyage intérieur se confond avec l’espace appréhendé sur le seuil du banal quotidien. Surgissent alors les contrées mythiques les plus lointaines que l’on croyait perdues et qui ne sont qu’enfouies dans l’inconscient et les songes endormis de l’enfance : « …Légendes échappées des livres dorés (…) … Il est des contrées que vos pieds n’ont jamais foulées et pourtant vous les vivez avec l’assurance du grand voyageur… » Ces notations, qui nous transportent au-delà des océans prennent parfois l’allure d’un carnet de voyage où sont consignées sensations et impressions à la manière d’un Blaise Cendrars qui s’amusait parfois à faire se télescoper ses échappées lointaines avec son paysage familier : « … Îlot de banlieue / Sous le parfum du soleil d’Orient / Ceci n’est pas un leurre… (…) … Et le balai des pigeons / En rase-mottes / Au-dessus des têtes / Dix-huit heures déjà / Le flot des voitures s’accélère / Le vent d’avril balaye les songes… ». On se laisse inviter au voyage, ‘ici, là et ailleurs’, on tourne les pages, désireux de découvrir la suivante, avec ‘un cœur nomade’. On se laisse transporter sur un marché d’Asie, ou vers l’antique Greyhound ou cette Amazonia inquiétante avant la chute toujours inévitable et le retour au banal décor, avec néanmoins l’espoir qu’une « nouvelle vie se dessine / À l’avant des nuages couleur d’ardoise ». On reste parfois sur sa faim, je veux dire sur celle d’une écriture que l’on souhaiterait plus débridée, moins disons « discursive »… Mais, n’anticipons pas sur le prochain voyage de Jean-Philippe Ayzier !

©Jacques Taurand

(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 20, second semestre 2005)