Rue prends-y-garde, Ballade pour Eloïse et Abélard, Michel-François Lavaur, éd. Traces.

Avec ce petit ouvrage « fait-main » comme à l’habitude, Michel-François Lavaur nous conte l’histoire d’Eloïse et Abélard. Seize pages denses ornées de dessins afin de satisfaire au texte manuscrit qui se souvient des scribes et des enlumineurs. En toute modestie, Lavaur nous entraîne au pays des amants magnifiques que leur imprudente liaison exposa à la vindicte publique avec les conséquences que l’on sait.

Homme d’église ou homme des champs, noble ou roturier, l’individu mâle est conçu pour la procréation et le bel amour qui unit Abélard à la tendre Eloïse n’aurait été qu’une idylle banale sans l’intervention des autorités ecclésiastiques qui châtrèrent le pauvre homme comme un vulgaire matou… Quant à Eloïse…

Agir de la sorte requiert un sens aigu de l’intolérance et Lavaur profite de l’occasion pour dénoncer… « les pieds estropiés des chinoises, / les cous étirés des femmes girafes, / les excisées, les infibulées, / battues, vendues, violées, / rossées, forcées, asservies, / tuées, prostituées… »

Lavaur a beau prédire : « Vienne le temps des humains responsables », il semble que ce soit là vœu de poètes qui, décidément, ne sont pas des gens sérieux.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 354, novembre 2007

Michel-François LAVAUR : Aubiat – Bilingue occitan-français (« Trobar »/Cahiers de Poésie Verte) 62 pages – 12,50 €

Avec « Aubiat », Michel-François Lavaur confirme son attachement profond à l’Occitanie et marque d’une pierre blanche une œuvre déjà abondante qui, chaque printemps apporte ses bourgeons et chaque année ses frissons de bonheur de vivre ici et maintenant. Ce fou de poésie est aussi un homme sage, tolérant, qui connaît les valeurs de la famille, de l’amitié, du sol qu’il foule.

« Je n’ai pas de portail, de verrou ni de chaîne, pour fermer la demeure où j’ai mis en réserve, comme feu sous la cendre ou, sur le foin, le fromage de chèvre, à mûrir lentement ces petits bouts de poésie… »

On se sent proche des hommes chez Lavaur, proche du cœur et de l’esprit, proche du labeur des humbles et de la chaleur humaine qui se communique dans la simplicité des actes de chaque jour. «Aubiat», c’est le pays où les racines sont encore bien implantées dans le sol limousin. « Aubiat », c’est le village où mûrissent les destinées. C’est l’authenticité de « la terre » de chez nous. Les animaux (même les « sauvages », les oubliés) y ont leur place, au même titre que les gens. Les vieux appartiennent à leur âge et la campagne n’a pas honte de sa boue.

Il y a, dans la poésie de Michel-François Lavaur, cette chaleureuse attention qu’il porte aux êtres et aux choses avec, en prime, cette jubilation d’écrire et de partager les instants de plaisir que l’on sait éphémères.

©Jean Chatard

Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 21, premier semestre 2006.