Jean-Luc MAXENCE : Soleils au poing, préface de Patrice Delbourg, Le Castor Astral, 2011.

La préface, et c’est rare, ébruite sans complaisance un pan de l’histoire de ce poète ; ses grands défis à l’ombre encombrante du père, son parcours d’éditeur, son installation dans la psychanalyse, son aventure humaine. Elle dévoile un peu du voyou d’Éros, du voyeur mystique, du poète romantique et réaliste qu’il sait être à la fois. Présenté comme un auteur hérétique par Pierre Seghers, hanté par tout ce qui bout dans l’alambic du siècle, Jean-Luc Maxence propose un choix de poèmes courant sur quarante ans, réparti sur huit recueils et intitulé : Soleils au poing… On pourrait disserter sur le pluriel du titre, y lire tous les appels (Éros, Dieu, la poésie…) d’une passion comme démultipliée. Peut-être que cet extrait éclairera le lecteur :

Vous étiez la dernière étape avant la lumière
Mais je n’avais pas encore pleuré à perte,
Pour comprendre quelle nuit claire d’après l’orgie
M’attendait à la porte, là-bas, du côté de la chapelle,
Pour faire de mes paumes des lampes éternelles.

Il s’agit du bilan d’un homme qui s’est engagé dans l’expression de l’art sans tricher. En cela, son œuvre coïncide avec les grands enjeux de la poésie de l’homme ordinaire : assumer son état de ludion lyrique, jongler avec ses contradictions et prendre le parti des déshérités contre les monstres engendrés par la société libérale (« Près du Parlement-guignol/ À la manière d’Éluard/ Ils ont écrit ton nom/ Coca-Cola »). La cueillette comprend des témoignages intenses de l’auteur sur sa vie et sur son époque. Maxence n’y cache rien : il a écumé les dangers de la nuit au plus noir de l’être, rencontré le « jeune beatnik éthéromane/ Qui vend des croix ivres/ Aux jaguars », tangué entre la vie et la foi, avec « des tentations d’en finir » et la volonté de « chasser ses viscères mystiques ». Non sans humour parfois, surtout dans son rejet des mondanités (« Mon nœud papillon est de travers », « Et tu prenais la fuite d’un air bien élevé »), les poèmes accumulent les témoignages sur des événements intimes, sur les amours qui tourmentent mais sont aussi fécondants, les douloureux tripotages fraternels, l’expérience – réussie – du divan, tous ces caïds d’une histoire individuelle compliquée dont les traits les plus marquants furent la solitude et le scepticisme qui envenimèrent l’enfance : « Je savais par cœur la fausseté du monde », « Puisque tout insulte la planète …/ Puisque tout meurt dans l’amertume des dieux ». Une étrange malédiction est évoquée parfois dans les pores de l’angoisse, comme une haine de soi : « On ficelle comme on peut le cadavre/ On décline la peur banale/ On est androgyne pour finir. » Des blessures morales, des hontes sont égrenées dans le chapelet des humiliations : « Vingt fois les femmes m’ont tué/ Vingt fois j’ai souhaité renaître/ Du désastre de mes nuits ».

Le poète, pour exalter le sentiment de la beauté, sait faire jaillir des formules souveraines qui expriment assez le rang que la poésie occupe dans sa vie : « Tuez-moi aussitôt si je ne chante pas vrai », ou « Ne dites rien qui ne soit neige ». Certains couplets magnifiques invitent même à une lecture magique :

Singes bizarres de Nazca
Astronautes incas
Araignées d’écriture géante
Que dites-vous sur la pampa
Du temps qui meurt ?

©Alain Breton

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, 1er semestre 2012.

Jean-Luc MAXENCE : Soleils au poing, préface de Patrice Delbourg, Le Castor Astral – 100 pages – 12 €.

Le premier texte publié par Jean-Luc Maxence, « Mai 1968 », situe le poète dans le temps ainsi que le début, à 22 ans, d’une existence vouée à la poésie, aux poètes et à la « révolution ».

Tout au long de cet ouvrage d’excellente facture, « Soleils au poing », Jean-Luc Maxence nous fait partager ses émois et ses passions de créateur mais également d’éditeur. Il écrit, il rédige, il édite avec la complicité de Danny Marc et des auteurs mal connus ou à peine révélés et il n’est pas abuser que de considérer « Le Nouvel Athanor » comme la maison d’édition la plus jeune et la plus « actuelle » qui soit.

C’est au « Castor Astral » que Jean-Luc Maxence confie l’anthologie personnelle qui retrace quarante ans de luttes, souligne Patrice Delbourg en une préface chaleureuse retraçant le parcours d’un homme révolté par l’injustice et d’un auteur qui a l’intelligence de le faire savoir.

La poésie de Jean-Luc Maxence ne ressemble à aucune autre. Il suffit de lire « Le mauvais cheval » (page 47) pour s’en convaincre.

« Simon de Cyrène jure par tous les saints
Que ce n’est pas son boulot
Qu’il n’est pas chargé de Ta croix
Qu’il ira se plaindre au syndicat…
»

Il est difficile de ne pas s’attarder sur un tel ouvrage qui montre une poésie de combat au service de citoyens capables, s’il le faut, de lever le poing avec le créateur.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n°33, premier semestre 2012.

Jean-Luc MAXENCE / Elisabeth VIEL : Anthologie de la Poésie Maçonnique et Symbolique (2007, Dervy – 204, boulevard Raspail – 75014 Paris, 23.50 €)

Je ne saurais dire si cette anthologie suscitera polémiques et commentaires, comme s’y attend Jean-Luc Maxence. Par contre, un fait est certain, c’est qu’il s’agit du premier travail du genre, fort réussi, et certainement exhaustif. Nous retrouvons, au sein de ce panorama, plus de deux cents poètes et chansonniers, francs-maçons ou proches de la franc-maçonnerie, de Voltaire à Francesca Caroutch, en passant par Nerval, Baudelaire, Bruant, Mallarmé, Pierre Dac, André Breton, Henein, Milosz, Dauphin ou Taurand ; quatre cents poèmes sur près de trois siècles ; le tout en 523 pages. Tous les poètes de cette anthologie sont-ils maçons ? Non, bien sûr, mais leur évidente relation au symbole suffit à les y voir figurer. Maçonnerie et poésie sont porteuses de rêve, écrit Jean-François Pluviaud, en postface, c’est que : « L’une et l’autre sont une voie d’accès à une réalité différente, une nouvelle perception de l’univers, une découverte de soi. L’une et l’autre sont un révélateur, permettant la mise au jour d’un modèle d’absolu, enfoui au plus profond de chacun d’entre nous, elles sont un moyen d’appréhender le monde. »

©Karel Hadek

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)