Yann SÉNÉCAL : Je ne m’adresse plus la parole (éditions Clarisse, 2010).

Le K.O. qui figure en photographie sur la page de couverture, augure bien du combat que l’auteur noue dans cet ouvrage. Comme l’expression d’un sentiment de stupeur, une défaite génésiaque dont il faut se relever sans savoir vraiment pourquoi, une lutte éperdue qui bégaie mais qui, par la mobilisation de toutes les forces vitales, permet toutefois des trouées dans le vertige permanent. Yann Sénécal se livre ici à un travail émouvant sur le manque à être, la dépossession, et la résistance face aux regards de l’autre, sans trouver de double fond à la vérité ni au mensonge. Cet état d’urgence offre au lecteur un véritable catalogue des mesures à prendre lorsque le sens se dérobe, lorsque les conventions font glu, que l’utilité du moindre geste devient suspecte. Mais il s’agit aussi d’un miroir qui nous aspire, une remise en cause de toutes nos certitudes, de nos faux-semblants, de nos lâchetés : « Qui sommes-nous / Pour convaincre / Pour humilier » ? Parfois, c’est la fragilité qui fait la force. « Se sentir utile », face à une mascarade ressentie comme générale, est la modestie assumée avec talent par ce nouveau poète.

©Alain Breton

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 31, premier semestre 2011)