Claude SERREAU : Raisons élémentaires (anthologie). Préface de Martine Morillon-Carreau (Sac à Mots, éd. La Sauvagerais — La Rotte des Bois — 44810 La Chevallerais)

Valeur sûre des éditions « Traces » que dirige Michel-François Lavaur, Claude Serreau publie chez « Sac à Mots», que dirige le dynamique Jean-Marie Gilory, une anthologie de 120 pages, « Raisons élémentaires » qui reprend le titre de la plaquette sortie chez le même Lavaur il y a plus de 40 ans.

Fidèle parmi les fidèles, Claude Serreau publia presque exclusivement sous l’aile de «Traces », une dizaine d’ouvrages, tous voués à la lettre «R» en hommage à Cadou dans la filiation de l’École de Rochefort dont l’ambition était de servir l’homme dans ce qu’il a de plus subtil. Claude Serreau, habitué des rivages atlantiques qu’il n’a cessé d’arpenter, établit avec la mer une relation privilégiée :

« Quand bien même la mer aux hommes satisfaits
apporterait la fraîcheur d’un rivage »

Claude Serreau est, me semble-t-il, un romantique qui s’ignore. Ou feint de s’ignorer. Il est de cette époque – pas si lointaine pour beaucoup d’entre nous – où le…

« vieil autocar bleu
dépoussière le temps »

Les images se succèdent dans ce livre puissant, la poésie s’enrichit de neuves semailles, de couleurs sollicitées, de mots utilisés pour leur parfum ou leur saveur, pour leur clarté dans la page, leur luminosité, leur souplesse.

« Et si tous les oiseaux mouraient
comme des mots sans fin ployés »?

La modestie du poète ne doit en aucune façon nous conduire à occulter ou simplement ignorer ces pages, souvent admirables, qui donnent à la poésie du quotidien, un profil d’une singulière originalité.

« N’ayant d’autres secrets
que ces pans de mémoire
où les arbres ont pris
la place des vivants »

Il convient de saluer la sortie de cet ouvrages en tous points passionnant, le 40ème livre de poésie paru dans cette collection, préfacé avec talent par Martine Morillon-Carreau et édité avec goût par Jean-Marie Gilory et ses éditions « Sac à mots ».

©Jean Chatard

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 31, premier semestre 2011)

Claude SERREAU : Récitation des rites (éditions Traces 2006)

Récitation des rites est une œuvre qui se donne en partage (un mot qu’affectionne l’auteur). Loin des forges du passé – de son passé – le poète-Héphaïstos travaille sur « le feu froid » pour y ranimer les rêves enfouis. « Les mots anciens » sont psalmodiés, incantés comme vagues itératives dans le flot serré d’une récitation qui ressasse la vie au « ressac muet du sang », celui où tout se résout dans l’émergence du poème et de ses images kaléidoscopiques. Claude Serreau célèbre ici l’existence dans ses multiples manifestations, ses nuances et ses incertitudes : « Cette parole à peu tenant / qui dit l’espoir et puis se tait / esquisse un monde où vivre encore ». Il évoque les grands feux « où le ciel a scellé / les signes des amis / dans leur arche solaire ». Avec les mots du poème il tresse « une couronne d’épousailles / entre brume et soleil » et, conscient de notre minuscule trace, nous convie « à boire à ce régal / un peu d’espace avant le soir ».

Le tour de force de Serreau est de réussir à fondre dans son flux verbal ce qui relève du concret (le descriptif) et de l’abstrait (la pensée), le visible et l’invisible, les deux trouvant leur résultante dans la métaphore qui les transcende « Dialogue des jardins / quand le jour se réveille / à la tête des arbres / avec les mots secrets / que le temps vient peser. » Le ternaire : temps / mémoire / art poétique est ici parfaitement maîtrisé.
La poésie de Claude Serreau, coulée dans une écriture ténue, serre au plus près la réalité, en tire les accords et des échos les plus secrets, ceux que tisse le vent entre lande et océan. Cette voix forte, originale, sait nous faire oublier les mots pour leur substituer un chant qui monte des abysses de la conscience, imposant son lyrisme carré et sa musique profondément humaniste et fraternelle.

©Jacques Taurand

Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 23/24, année 2007.