L’œuvre de Lucien Becker (1911-1984) est constituée de nombreux tirages confidentiels ou hors-commerce, exception faite de trois volumes publiés par Gallimard et d’un autre par les Cahiers du Sud. Il fallut attendre 1997, pour que La Table Ronde ait l’idée lumineuse de rassembler en un volume cette magistrale somme poétique. Cette édition reparaît aujourd’hui, mais dans la collection de poche du même éditeur, « La petite vermillon ». Tout Becker disponible pour 10 € ! De cette œuvre, Georges Mounin a affirmé : « qu’elle n’est finalement qu’un seul poème indéchirable. » Indéchirable, parce qu’un seul thème d’un bout à l’autre la tient debout face à la mort : l’amour, rien que l’amour, puisque l’œuvre de Lucien Becker creuse la plaie mal refermée des solitudes, tout en nous donnant une poésie des plus brûlantes, où mes mains vont, forêts en liberté. Le soleil y prend la forme d’un corps de femme qui illumine les yeux vides du monde : L’amour est un peu de soleil sur un naufrage… Et pourtant, la joie de vivre se fait femme. C’est sur un ton de confidence, qui relève l’herbe dans sa foulée, que s’exprime le poète ; un ton qui domine l’amour et le dénude à peine l’instant d’un désir, ou pour l’éternité. « Avoir tout vécu, c’est bien sûr, une façon de dire. Je pense qu’il faut un jour ou l’autre, faire une sélection des actes qu’on se propose de vivre jusqu’au bout. L’un de ces actes est évidemment, l’amour », a confié Lucien Becker à Henri Rode, le romancier-poète des Hommes sans épaules. Car Becker a toujours été célébré comme un maître par Les Hommes sans épaules, qui lui ont consacré, en 1956, un numéro spécial de référence, dont de nombreux passages sont cités dans l’annexe de cette édition de Rien que l’amour.
©Christophe Dauphin
(Note de lecture in Poésie 1 / Vagabondages, n° 50, juin 2007)