Demeure lointaine, Mario Campana, traduction de l’espagnol (Équateur) par Michel Alvès avec la participation de Max Alhau, éd. L’oreille du Loup, 127 rue du Faubourg-du-Temple, F-75010 Paris.

Le grand souffle qui parcourt cet ouvrage me semble mettre un terme à la période minimaliste installée dans les recueils publiés ces derniers temps et l’on retrouve, avec bonheur, ces textes charnus, giboyeux, aux images cruelles et subtiles que le lyrisme met en évidence à chaque page de ce livre.

Mario Campana interroge la vie, dénonce la mort, s’intègre aux violences du temps, ouvre les portes et les blessures en des poèmes inspirés qui, dans leur ampleur, rappellent les longs textes de Blaise Cendrars et de Guillaume Apollinaire.

« Qui ordonna de flageller la mer savait ce qu’il faisait / Une bombe vole et danse, toupie sur l’eau / Petit dieu flamboyant en camisole noire / Satyre nain travesti, festoyant / Cependant que des pantins en écailles de tortue sont projetés / Dans le ciel incendié. »

Mario Campana recherche dans la poésie la justification d’une existence (celle de l’homme) qu’il sait précaire. Le titre ambigu de cette Demeure lointaine suppose deux interprétations qu’il cultive avec, en cadeau, un « surréalisme » aussi omniprésent que tonique.

« Un poisson sous la terre / Avec son chapeau de papier sur la tête / Crachant ses mégots de cigares, toujours allumés. // Un poisson qui danse enlaçant une guitare / et rentre à la maison avec le soleil. »

Ce petit livre d’une soixantaine de pages révèle un poète de grande inspiration, qui vit à Barcelone où il dirige la revue Guaraguao.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 358, mars 2008