En visiteur attentif, on déambulera dans le détail orfévré de ces précieux et vastes poèmes. Certes, il faudra renoncer parfois à décrypter une parole où, à côté de vives clartés, l’auteur semble, ici ou là, jouir de l’enfermement du sens dans un labyrinthe de miroirs. Mais un univers, mille univers sont convoqués en un méthodique vertige de nomination – d’où le titre même de l’ouvrage et quelques vers comme celui-ci : Les choses qui ne meurent pas demandent leur part de noms gravés et de festin. Or, au delà des surprenants pouvoirs d’écriture de Max de Carvalho, ce qui se joue quand il désigne et ordonne, et dans toute son entreprise – qu’il qualifie lui-même d’anamnèse – nous semble être un pari de vérité sur la mémoire, dont la puissance, par exemple, parvient à restituer de l’être à cette morte évoquée :
Telle que tu fus,
telle que n’étant plus, tu es,
n’étant plus d’aucune manière que je sais,
[…]
de cette façon qui cessera de te connaître avec moi
et ne sera en aucune manière transmise,
sinon à ceux qui comme moi cesseront avec eux
— sans eux plutôt —
ton image.
Et si certains poèmes (l’invocation liminaire à la grand-mère ou le superbe morceau intitulé L’Ancien des jours, dont sont extraits les vers ci-dessus) figurent la liturgie d’une Personne, celle-ci, à son tour, irradie vers les multiples démembrements de son image et de son lieu, où se dissolvent toutes frontières, surtout celles de la mort.
On saluera l’étonnante maîtrise d’artiste dont fait preuve Max de Carvalho dans ce premier livre. On lui saura gré de ce plaisir qu’il procure – rare et vif – d’un nouvel horizon de beauté.
©Paul Farellier
(Note de lecture in La Revue de Belles-Lettres, n° 3 – 4, 1997)