Judith CHAVANNE : À ciel ouvert, L’Arrière-Pays, 2011.

La vie fragile, la chaleur à prendre et à donner, et on laisse le monde à distance, par crainte d’être blessé, par défiance de « ces gestes qui pansent la souffrance que, même lointaine, tu pressens au monde », et l’on mijote dans le temps, en meublant d’inventions le quotidien, en élargissant le regard qu’on porte sur les choses. On choisit d’ouvrir son écriture pour éviter d’encombrer son esprit, « on sent ou non, selon le vent, l’odeur de chèvrefeuille », on réclame l’hospitalité à la lumière, on plaide pour « quelque chose comme l’herbe, une bonté à venir », on en appelle à des philtres splendides et si ténus, suspendu « à ces mots dont nous avons tout épuisé/ sauf peut-être l’inespéré – la résonance. » Tout un art poétique s’infuse dans ces pages à l’allure modeste, rythmée par la monotonie des jours serrés autour de la maison et du jardin où figure un cœur immense, « où rien n’a semble-t-il de nécessité ». Un lien fragile garde la vie sauvée que l’on noue et renoue en dressant des constats pour s’appuyer sur des présences familières (« La chaise est demeurée au jardin malgré l’automne ;/ les feuilles du saule parfois se posent sur le siège, parfois le soleil, ou un moineau sur un dossier »), pour se rassurer sur l’état de soi et du monde : Une mésange à l’équilibre/ sur l’arche d’une tige/ de rosier aux roses rouges ;/ ils se sont tus de l’autre côté du carreau/ pour n’être plus/ qu’une seule lumière tournée vers l’oiseau./ Si peu – l’oiseau un temps se balance,/ déjà il a fui –,/ à quoi tient peut-être un amour :/ quand on suspend à deux son souffle pour/ autre chose, n’est-on pas liés dans l’indicible ?

©Alain Breton

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 33, 1er semestre 2012.