Béatrice LIBERT: ÊTRE AU MONDE. Éditions de la Différence, 14 euros.

Être au monde rassemble cinq recueils, publiés de 1996 à 2000. L’ordre adopté dans ce livre, pour ne pas être chronologique, n’en fait que mieux surgir le sens latent.

Dans Prière pour le millénaire, Béatrice Libert pousse à bout la volonté de se délivrer des « antiques verrous ». Elle y célèbre la joie, celle qui est une initiation à la vraie naissance. Les poèmes de Contre la nuit traduisent une vivacité spirituelle irrépressible. La sève du poème réconcilie l’âpreté de l’instinct de vie et le sens aérien de la liberté :

« soif ô soif
en ton aride éternité emporte-moi
».

Au long de L’obscur boit l’obscur, le poème s’égale à une sérénité méditative, aux résonances du lieu de la vie :

« le silence à soi seul est maison ».

La coïncidence avec soi s’enrichit de la volupté des harmoniques. Parfois, même, la dépossession aboutit à l’effusion cosmique :

« celle qui respire est la mer ».

Au feu recréateur des poèmes de L’heure blanche, la célébration multiplie ses angles, intensifie ses ancrages sensibles, au point de faire de celle qui écrit « une grande carnassière de l’immédiat ».

Dans Deux enfances, enfin, l’évocation de l’amour maternel lui permet de mêler la félicité du sentiment océanique au « vertige de nos existences mêlées ».

Dans la poésie de Béatrice Libert, la parole court, comme l’air et l’eau, comme le sang, comme une foulée légère. Jubilation d’autant plus précieuse qu’elle connaît l’envers de la joie. De poème en poème se crée une demeure immatérielle, « comme un berceau parfait jusqu’à la tombe ».

©Gilles Lades

in revue Friches, n° 89, hiver 2004-2005.

Béatrice LIBERT : Être au monde (Collection Clepsydre, éditions de la Différence, 47 rue de la Villette 75019 Paris) et Alphabet blanc (La Porte, éd. – Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin – 02000 Laon).

Ce recueil de 90 pages, Être au monde, s’ouvre sur un long poème, « Aube », dans lequel on retrouve avec un plaisir égal le style maîtrisé de Béatrice Libert où le matin qui « coule sur nos peaux » s’installe sur la terre.

« Il emprunte les voies allantes
la rémige du canal
la couleuvre du rail
la longue langue des chemins
la flèche de mon désir
et celle du poème qui pose son visage
contre celui du jour ».

Poète de la clarté et de la tendresse, poète femelle en ses élans, Béatrice Libert parle de l’enfance avec cette force féroce de louve où l’intime devient miel et où l’épiderme ploie sous la caresse.

Elle rassemble ici plusieurs textes publiés en revues ou en des fascicules. Ainsi « L’Heure blanche » fit l’objet d’une parution dans « Encres vives » (de Michel Cosem) et « Deux enfances » dans « Le Poémier de Plein Vent » (d’Annie Delpérier).

Si Béatrice Libert sait privilégier, dans ses poèmes, et l’amante et la femme, elle peut également donner à son rôle de mère des déclinaisons superbes.

 » … Cependant, il m’arrive encore d’héberger, en mon
ventre, le souvenir de tes frissons et de tes fièvres.
À ton tour, maintenant, de me porter en toi, dans tes
yeux, par ta voix… »

L’amour, chez Béatrice Libert, est une nécessité poétique qu’elle porte en elle et ne la quittera jamais.

Avec un nouveau petit livre, Alphabet blanc, Béatrice Libert brosse un tableau hivernal où la légèreté des flocons de neige rejoint la légèreté de style d’un poète inspiré pour qui les mots servent à gravir les marches d’un toujours possible bonheur. La poésie est du voyage et l’amour un laisser-passer.

« Nous aimerions voler
pour que nos pas
n’entachent pas la neige ».

©Jean Chatard

Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 19, premier semestre 2005.