Être au monde rassemble cinq recueils, publiés de 1996 à 2000. L’ordre adopté dans ce livre, pour ne pas être chronologique, n’en fait que mieux surgir le sens latent.
Dans Prière pour le millénaire, Béatrice Libert pousse à bout la volonté de se délivrer des « antiques verrous ». Elle y célèbre la joie, celle qui est une initiation à la vraie naissance. Les poèmes de Contre la nuit traduisent une vivacité spirituelle irrépressible. La sève du poème réconcilie l’âpreté de l’instinct de vie et le sens aérien de la liberté :
« soif ô soif
en ton aride éternité emporte-moi ».
Au long de L’obscur boit l’obscur, le poème s’égale à une sérénité méditative, aux résonances du lieu de la vie :
« le silence à soi seul est maison ».
La coïncidence avec soi s’enrichit de la volupté des harmoniques. Parfois, même, la dépossession aboutit à l’effusion cosmique :
« celle qui respire est la mer ».
Au feu recréateur des poèmes de L’heure blanche, la célébration multiplie ses angles, intensifie ses ancrages sensibles, au point de faire de celle qui écrit « une grande carnassière de l’immédiat ».
Dans Deux enfances, enfin, l’évocation de l’amour maternel lui permet de mêler la félicité du sentiment océanique au « vertige de nos existences mêlées ».
Dans la poésie de Béatrice Libert, la parole court, comme l’air et l’eau, comme le sang, comme une foulée légère. Jubilation d’autant plus précieuse qu’elle connaît l’envers de la joie. De poème en poème se crée une demeure immatérielle, « comme un berceau parfait jusqu’à la tombe ».
©Gilles Lades
in revue Friches, n° 89, hiver 2004-2005.