Trahisons du crépuscule, de Philippe Rosset, postface de Jacques Ancet, Alidades.

Ce premier recueil constitue pour le lecteur une double découverte, celle d’un auteur certes, mais surtout celle d’une voix singulière qui, dans ces poèmes en prose, dit le chemin sur lequel un poète s’aventure en quête d’un autre temps, d’une parole. Dans sa postface Jacques Ancet souligne avec justesse l’héritage de Rimbaud et de ses Illuminations. Pourtant, par une vision personnelle du monde, par sa confiance dans le verbe, Philippe Rosset se livre à un travail exemplaire. Ce qui caractérise ces textes, qui sont comme autant de tableaux prenant place au sein d’une nature jamais dénuée d’esthétisme, c’est tout d’abord la marque d’une lutte entre deux temps: le passé dont Philippe Rosset s’efforce de se distancier mais qui demeure dans sa prégnance et un avenir envers lequel il manifeste sa foi. A plusieurs reprises, par le jeu des pronoms qui renvoient le poète à son double, par l’alternance du passé et du futur, on a affaire à l’expression d’une nostalgie due au souvenir d’une autre époque: «La voix du passé ne se taira pas. Le bonheur chaud de la veillée à jamais se répètera», écrit Philippe Rosset. Tout au long de cet itinéraire où est rappelée la présence de la nature et de ses composantes s’exprime la marque du temps et le désir d’en finir avec ces réminiscences: «il caressa les souvenirs déraisonnables d’un printemps enfoui». Mais dans cette volonté de bâtir une œuvre, avec la nostalgie d’une époque révolue qui serait celle d’une Antiquité toujours vivace, la voix de Philippe Rosset se porte vers les lointains. Peu à peu la construction d’une architecture poétique s’impose. Laissant place au «il» impersonnel l’auteur tente de se distancier de lui-même, de se libérer du temps. Peut-être est-ce dans le recours au symbole que s’exprime cette idée: «il s’est senti délivré du sablier», remarque-t-il. Pareil constat semble vain, car un peu plus loin, il avance: «Le poète ne bâtit, le temps construit». Face à cette définition, comment ne pas en appeler à l’amour qui transcende tout, qui permet d’échapper à la dégradation temporelle ? «A deux, munis d’épis et de faucilles, ils savent encore apprendre et osent enfin aimer. C’est leur issue. C’est leur antidote contre les ravages de la poussière.» Aussi, par-delà la nostalgie du passé, s’exprime surtout la confiance du poète dans la parole qui s’impose et surtout la beauté de scènes élaborées avec soin. La profession de foi de Philippe Rosset se situe dans sa volonté d’aller au plus loin d’une cheminement patient : «il faut à présent tarir les larmes et laisser couler les eaux». Telle est la manifestation de l’espoir, le désir d’aller au plus près d’un idéal qui s’appellerait poésie.

©Max Alhau

(Note de lecture parue dans Autre Sud, n° 36, mars 2007)