À suivre Roger Gonnet de livre en livre, on constate une double évolution de sa parole poétique : la trame verbale se resserre, sa portée mystérieuse s’allonge. Ainsi en est-il encore avec ce tout petit carnet dans l’élégante collection du Buisson ardent. Il y a là deux suites : Le matin, la lumière tout d’abord ; puis, plus brève encore et plus ramassée : Les pierres crient.
Le souci éthique d’une fidélité reste bien présent : il s’agit de Donner des étoiles au mystère,/ Le point d’orgue aux soirs ; d’assurer la continuité sensible, le passage, même si la seule question reste sans réponse : Pour quelle rencontre, et pour quelle mort ?
Un Éros se revendique aussi, dont l’ubiquité ne laisse pas de transparaître :
La lumière sur l’étendue défaite
Tes mains s’ouvrent ; ce qui vient déborde,
pénètre…
Met un sourire dans la nuit des yeux.
Une joie de vivre pourrait même s’exprimer, mais sa parole imminente suscite aussitôt l’obstacle :
Les ombres effacent
Ce que chaque mot tente de reconstruire
Aussi, dans ce matin, à travers cette lumière, la vérité qui frappe, c’est bien celle-ci :
Que le nécessaire pour ensevelir
Des images saisissantes de pureté et de dépouillement pour dire « l’éternel retour » de la perte et de la ruine :
Tombé du mur
L’arbre arraché
Le cratère renaissant
Et le poète, visionnaire, dresse l’ultime paysage de notre destin :
Vers des demeures écroulées,
Des friches où brûle la vérité
Peu de pages certes, mais tant de poésie !
©Paul Farellier
(Note de lecture, in Les Hommes sans épaules, n° 20, 2nd semestre 2005)