L’alcool des vents, de Michel Baglin, Le cherche midi.

Rendre grâce, tel est le souhait exprimé par Michel Baglin dans ce recueil, mais rendre grâce, comme il le dit,  » à des riens « . Ce sont eux qui, par leur importance, constituent l’essentiel de sa démarche, ces  » riens  » qui dans leur perception, leur appréhension deviennent un témoignage et un éloge. Ce témoignage de la vie du poète se change peu à peu en un témoignage de la vie de tous les hommes. Ces événements, ces souvenirs, ces désirs contribuent à une écriture au souffle puissant entraînant le lecteur dans le sillage que trace le poète. Le monde de l’enfance, avec ses jeux, ses découvertes, est propice à cette célébration et chacun sait qu’il est à la fois hors d’atteinte et à portée de mots. Aussi Michel Baglin ne se prive-t-il pas de dire sa reconnaissance à ces instants privilégiés dont la mémoire restitue le contenu avec émotion:

Je rends grâce même à l’école pour quelques odeurs d’encre mêlées
à celles des feuilles tombées des marronniers et des goûters au fond des cartables.

Cette vision s’accroît, englobant les voyages, les vacances de l’enfant qu’il était et qui sont restitués avec les yeux d’autrefois. Mais s’en tenir à une telle perception serait réducteur et le regard, la pensée de Michel Baglin s’élargissent pour se porter vers les autres, absents et présents, ces hommes, ces héros inconnus vers qui se dirige sa compassion: là encore l’écriture vibre, chargée de sensibilité. Les mots permettent à l’homme de prendre conscience de lui-même et le regard du poète se tourne vers ces êtres auxquels il se confond et par le biais desquels il peut célébrer l’amour, l’intimité, la femme et sa sensualité:

Je rends grâce aux îles blondes des lampes de chevet,
aux heures de paix dorant lentement au four des soirs d’ambre
près du corps d’une femme qui se love dans sa nudité pour la nuit.

Dans ces pages au lyrisme discret et qui traquent la réalité, la magnifiant, Michel Baglin résiste à tout désespoir sous l’impulsion de la poésie. Aussi est-ce avec reconnaissance qu’il célèbre le monde des humains auquel l’écriture accorde un sens véritable. Dès lors c’est au lecteur de  » rendre grâce  » au poète pour ce chant vibrant et incessant.

©Max Alhau

(Note de lecture parue dans Autre Sud, n° 25, juin 2004)