Michel BAGLIN : De chair et de mots, Le Castor Astral, 114 p. – 13 €.

Tout comme beaucoup de revuistes (Michel-François Lavaur avec « Traces », Jean-Pierre Lesieur avec « Comme en poésie » ou Jacques Morin avec « Décharge »), Michel Baglin reste lié au titre « Texture », très attachante revue qui laissa derrière elle un sillage des plus créatifs. À ses côtés, à la manœuvre : Michel Baglin qui, par le biais du roman, de la nouvelle, du poème s’établit comme l’un des poètes les plus avisés d’aujourd’hui et c’est une excellente initiative que de le rassembler en une belle anthologie personnelle.
« De chair et de mots » est un tout traversé par l’inspiration d’un créateur dont le charme poétique compose avec la vie de chaque jour.

Poète de l’amitié, poète des contacts (il fut journaliste longtemps), Michel Baglin épouse pleinement la réalité qui l’entoure. Le marcheur qu’il est devenu sait faire halte devant les paysages ou les hommes qui méritent attention. Le chemin qui est le sien n’est pas une route, ni une avenue mais une impasse, un sentier à peine défriché. Seulement perceptible aux connaisseurs.

C’est dire que Michel Baglin découvre pour nous un monde qui nous glisse entre les mains, entre les yeux.

Un monde qui s’évapore dès que né, qui s’évapore pourtant gorgé de suc et de sève.

« Laisser venir au monde tout le réel qu’on porte
et qui mûrit quand on écoute
et s’accomplit si l’on consent.
»

Dans ce livre, chaque mot est un battement de cœur.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd trimestre 2012.

Michel BAGLIN : Chemins d’encre (204 pages, 13 €. Rhubarbe éd.)

Les Chemins d’encre sont ici empruntés par Michel Baglin pour affirmer son appartenance à la fratrie des écrivains, poètes et romanciers de tous ordres. Il s’agit là d’un témoignage en lequel bien des poètes se reconnaîtront. Tout est prétexte à enrichir le créateur que, peu à peu, des rencontres littéraires confortent dans sa conception de la création. C’est d’abord le livre d’Ernest Hemingway, Le Vieil homme et la mer, que l’adolescent Baglin reçoit comme un cadeau et qui s’avère être un révélateur exemplaire des aspirations du tout jeune homme qui prend conscience petit à petit de sa relation privilégiée avec les mots. D’ailleurs, ils sont tous là les porteurs de magie ! Ceux qui nous invitent à la grande aventure ! Brassens et Vian mais également Arthur Koestler, André Gide, Albert Camus, Claude Roy et tant d’autres qui jalonnent ces Chemins d’encre avec leur fougue et leur talent, qui servirent d’exemple à celui qui devint journaliste, ami de la nature et de la vérité, puis écrivain. La lecture et l’écriture, c’est ce qui ouvre les mains et les chemins… Ainsi s’achève ce magnifique ouvrage dont les chapitres (« Sous le vent des pages », « Lettre de Canfranc », « Chemins d’encre », « Le poids des mots », « Comment dire » (carnets) et « Les pas contés ») rassemblent quelques morceaux choisis de l’un des meilleurs d’entre nous. Vient également de paraître, du même auteur : La Balade de l’escargot (256 pages, 16.90 €. Pascal Galodé éd.). Pour consulter le site de Michel Baglin : http://revue-texture.fr/

©Jean Chatard

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 31, premier semestre 2011)

Les Pages tournées, Michel Baglin, « Fondamente » / Multiples.

Mélancolique et désabusé, ce petit ouvrage d’une quarantaine de pages, de par son titre sans ambiguïté Les Pages tournées, retrace la vie d’un homme enclin à privilégier la nuit. « L’adolescent chimérique » qu’il fut devient « l’étranger », celui que l’on tolère dans l’espace commun, celui que l’on invite avec scepticisme à partager des brindilles d’amitié.

« Quand les poignées de mains pour dénouer la peur du prochain, pour nouer dans le vide l’étrange des solitudes, n’étaient que passeports d’exil. » Par le biais des mots du poème (le plus souvent en prose), Michel Baglin règle un compte à son passé, à son métier (de journaliste), à ces milliers de pages rédigées dans la ferveur et qui, au final, ne représentent qu’un petit tas de cendre, de poussière.

Le pessimisme de Michel Baglin, sa clairvoyance, le poussent à ne considérer que les « petits bonheurs », ceux que le jour engrange pour ne les restituer que bien plus tard. Le poète refuse les chemins de la gloire, sachant que pour mourir, « on replie sur soi le drap, ayant éconduit les aventures offertes. »

Déjà, dans Lettre de Canfranc (2005), l’un de ses récents ouvrages, Michel Baglin privilégiait la désertification d’un lieu (une gare pratiquement abandonnée). Avec Les Pages tournées, c’est le bilan d’une vie d’homme, avec ses failles et ses espoirs déçus, qu’il met en évidence. Il oublie toutefois de préciser que, pour évoquer une telle solitude et un tel désarroi avec une semblable maîtrise, il lui a fallu beaucoup, beaucoup de talent.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 354, novembre 2007

L’alcool des vents, de Michel Baglin, Le cherche midi.

Rendre grâce, tel est le souhait exprimé par Michel Baglin dans ce recueil, mais rendre grâce, comme il le dit,  » à des riens « . Ce sont eux qui, par leur importance, constituent l’essentiel de sa démarche, ces  » riens  » qui dans leur perception, leur appréhension deviennent un témoignage et un éloge. Ce témoignage de la vie du poète se change peu à peu en un témoignage de la vie de tous les hommes. Ces événements, ces souvenirs, ces désirs contribuent à une écriture au souffle puissant entraînant le lecteur dans le sillage que trace le poète. Le monde de l’enfance, avec ses jeux, ses découvertes, est propice à cette célébration et chacun sait qu’il est à la fois hors d’atteinte et à portée de mots. Aussi Michel Baglin ne se prive-t-il pas de dire sa reconnaissance à ces instants privilégiés dont la mémoire restitue le contenu avec émotion:

Je rends grâce même à l’école pour quelques odeurs d’encre mêlées
à celles des feuilles tombées des marronniers et des goûters au fond des cartables.

Cette vision s’accroît, englobant les voyages, les vacances de l’enfant qu’il était et qui sont restitués avec les yeux d’autrefois. Mais s’en tenir à une telle perception serait réducteur et le regard, la pensée de Michel Baglin s’élargissent pour se porter vers les autres, absents et présents, ces hommes, ces héros inconnus vers qui se dirige sa compassion: là encore l’écriture vibre, chargée de sensibilité. Les mots permettent à l’homme de prendre conscience de lui-même et le regard du poète se tourne vers ces êtres auxquels il se confond et par le biais desquels il peut célébrer l’amour, l’intimité, la femme et sa sensualité:

Je rends grâce aux îles blondes des lampes de chevet,
aux heures de paix dorant lentement au four des soirs d’ambre
près du corps d’une femme qui se love dans sa nudité pour la nuit.

Dans ces pages au lyrisme discret et qui traquent la réalité, la magnifiant, Michel Baglin résiste à tout désespoir sous l’impulsion de la poésie. Aussi est-ce avec reconnaissance qu’il célèbre le monde des humains auquel l’écriture accorde un sens véritable. Dès lors c’est au lecteur de  » rendre grâce  » au poète pour ce chant vibrant et incessant.

©Max Alhau

(Note de lecture parue dans Autre Sud, n° 25, juin 2004)