Se surprendre mortel, Pierre Caminade, œuvre poétique complète, édition présentée par François Leperlier, Le Castor Astral.

Se surprendre mortel rassemble, sur près de 300 pages, l’œuvre poétique de Pierre Caminade qui, de 1932 à 1997, publia une dizaine de recueils dont l’importance et la modernité nous paraissent aujourd’hui évidentes. Homme du Sud, Pierre Caminade fut « étroitement lié », note François Leperlier, « au groupe de Carcassonne » (Ferdinand Alquié, Joë Bousquet, René Nelli), puis, avec Jean Legrand au « Groupe Brunet » « qui constituera un maillon essentiel entre le Surréalisme et l’Internationale situationniste ». Il rencontrera : André Breton, Claude Cahun, René Crevel, Christiane Rochefort et Tristan Tzara, puis se tournera vers le Nouveau Roman (Michel Butor, Robert Pinget, Jean Ricardou, Claude Simon) avant d’entrer au comité de rédaction de la revue Sud fondée par son ami Jean Malrieu.

Selon François Leperlier qui présente cette édition remarquable, la démarche poétique de Pierre Caminade « devance bien des orientations contemporaines qui s’attachent à explorer l’implication du corps dans l’écriture ».

Il est vrai que ce gros volume de 284 pages, dont certains textes remontent à plus de 70 ans, se révèle être d’une facture dont pourraient s’inspirer bien des jeunes poètes.

« Ni la mitraille tendre des passereaux / Ni les moutons d’argent épinglés sur la carte / Ni les courses improvisées avec les ramiers roux / ou les autos de la route »

Au centre de l’ouvrage, un inédit de 1953, Le Chant du train de Bucarest, rappelle, de par son thème, La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars, mais la comparaison s’arrête là. Pierre Caminade, par le biais du voyage, donne à sa poésie les images de son inspiration et le Train de Bucarest n’est que prétexte à développer une vision personnelle de l’existence, à donner l’inclinaison aux mots du poème. Il exerce en effet sur les mots un étrange pouvoir qui donne à chacun de ses textes un aspect où l’exception est de règle.

La tendresse lui sied, la tendresse et le doute, et l’amour de la chair, mais également cette beauté fragile du moment présent où l’émotion allume tous les feux d’une poésie d’exception.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 359, avril 2008