Joseph ROUFFANCHE : EN LAISSE D’INFINI. Éd. Rougerie.

C’est un autre Joseph Rouffanche que nous dévoile En laisse dinfini. Auparavant, la force voulait assumer tout l’homme ; la jubilation parvenait à juguler la nostalgie. Ici, l’ouvrier du vers fait place au pèlerin de soi-même : recueillir, examiner, célébrer, mais célébrer sans faste, avec de la piété pour la chose naguère rencontrée, qui a fait demeure dans l’esprit, et signifie définitivement :

« La rivière était basse et saintement coulait ».

Beaucoup de poèmes, d’étendue modique, prennent le parti d’une humble récolte, mais sur le fil du plus précieux :

« Bruits de passereaux
les fontaines
».

Recueillir le sel des jours ne va pourtant pas de soi. Un doute brutal assaille le poète :

« Que va-t-il devenir dessaisi de mémoire ? »
……….
« Interdit pour jamais l’accostage d’Éden. »

Et même : « C’est devenu ce rien ». Pourtant le regard se relève vers « le cher gris à jour de nos ciels ». Chemin faisant, les choses, d’instinct, rejoignent leur double infini ; telle plainte précise d’oiseau devient la voix intérieure. La vie, parcourue du côté du silence, devient un hymne spirituel à l’invisible:

« Dans un pré sans personne
rejoindre la tendresse
en habit de merveille
».

©Gilles Lades

in revue Friches, n° 73, hiver 2000-2001.