CHANTAL DANJOU: POÈTES, CHENILLES, LES CHÊNES SONT RONGÉS, éd. Tipaza, collection Métive, p.n.i.

Cet ouvrage est édité sous la forme de trois volets et de vingt-quatre pages parmi lesquelles figurent cinq reproductions de peintures de Françoise Rohmer. Cette peinture, mobile et structurée, où les verts, les jaunes, les bleus, scandés d’un rouge vif, manifestent une vie ardente et jamais en repos, s’harmonise avec l’idée d’un arrière-pays méditerranéen.

La suite des poèmes, en prose, peut se lire comme le récit de la découverte d’un chêne vert, une yeuse, qui devient à son tour un plan fixe suscitant images et intuitions.

En effet, l’arbre est d’emblée le thème de métamorphoses: fleurs, plumage de paon. L’idée de l’ocelle suggère l’entrée possible dans une plus essentielle perception. Cependant, le regard ne crée là que mirages. Il faut renoncer à ces illusions pour atteindre à travers l’arbre, « l’organe rouge », vie réelle d’où procède le « conte » authentique.

L’envers de l’illumination factice est un processus cruel qui pourrait être sans fin: « les petites chenilles de l’étoilée rongent l’un et l’autre », à savoir l’arbre et le poème. Le paysage, à l’arrière-plan, prolonge ce passage du merveilleux à la chose nue.

L’art, toutefois, revient en filigrane: l’idée d’estampe, celle du temple grec aussi, plus essentiellement, lorsque la clarté se double de fuseaux d’obscurité. Chantal Danjou, parmi ces collines et face à elles, hésite entre la transfiguration artistique et l’accueil de l’irruption métaphysique: «La mort pourrait être ce grand fuseau bleu écartant les branches ».

©Gilles Lades