Maurice COUQUIAUD : À la recherche des pas perdus, éd. L’Harmattan, 2012 – 13 €.

À la recherche des pas perdus court un poète heureux. Avec lui, on pourrait croire la déraison poétique fondée en raison : elle ferait amitié avec la science, flirterait avec l’humour, badinerait un instant dans un érotisme de pure malice. La figure du poète tracée ici se veut, par nature, celle d’un homme bon qui voit juste et aura, pour la postérité, planté des graines silencieuses/ dans le printemps de l’imaginaire.

Mais Maurice Couquiaud est un poète bien trop conscient pour pouvoir être soupçonné d’« angélisme », selon le mot à la mode ; pourtant on brûle, tout au long de ce livre captivant, de lui poser la question de la place du Mal dans son univers ; et voilà qu’il a attendu les dernières phrases de son ouvrage pour donner la réponse tant souhaitée – réponse qui éclaire d’un jour singulier le sens de cette écriture délibérément « positive » :

Le Mal nous attend au coin des phrases. Heureusement le poème est le Bien des mots.

Cette formule-clé rend parfaitement compte du charme qui opère dans cette poésie et, en toute priorité, dans la première partie du livre, intitulée Des bancs pour bien rêver ; il s’agit d’une suite de regards à la vraie tendresse poétique, portés sur une série de sièges adaptés aux « circonstances », depuis la banquette de moleskine où s’est « posé le lapin » de la Poésie, dédaigneuse des rendez-vous de café, et qui attend à l’extérieur sur un pliant de fer dans le soleil ; jusqu’au dernier banc où la vieille amie semble s’être échouée (moment plus que tous émouvant : Plus doucement que Dieu, je referme la porte sur le cimetière des images venues mourir ce soir dans mes sanglots.) Preuve de l’extrême sensibilité du poète, qu’il a su discipliner, aguerrir à la discrétion, sinon au complet voilement – ce qui paraît d’ailleurs, entre les lignes, dans la petite parabole de L’Engoulevent, vers la fin du livre : Débarrassé des clichés vainqueurs, tu entreras dans la densité profonde du langage. Une discipline bien ordonnée qui, mieux que la charité, commence par soi-même :

L’humour véritable, avant de tremper sa dérision dans la baignoire du prochain, la rince toujours avec les eaux lucides qu’il emploie pour sa toilette du matin.

Avis sobrement donné à ces bons entendeurs de confrères.

©Paul Farellier

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd semestre 2012.