Masses tourbillonnantes, Odile Caradec, monotypes de Pierre de Chevilly, éd. Océanes, 17 rue Saint-Nicolas, F-17650 Saint Denis d’Oléron.

Beaucoup des poèmes qui composent cet ouvrage furent publiés dans diverses revues ou puisés dans l’œuvre poétique abondante d’Odile Caradec qui semble privilégier ici, dans ses choix, une mélancolie peu perceptible antérieurement.

Avec « Bretagne aux étoiles », l’une des quatre séquences de ce livre, elle revendique haut et fort son appartenance à la race celtique et plonge allègrement dans cette enfance qui fut la sienne dans la petite ville de Camaret. On côtoie des personnages dans leur vérité âpre (le grand-père, médecin des pauvres à Brest, le poète Saint-Pol Roux et sa grande cape sombre) ou encore cette petite fille (Odile) qui allait « voir les enfants morts, dans les fermes ».« Le lit clos était envahi par l’enfant / la mort se faisait belle / mais il fallait chasser les mouches / il fallait parler bas / se mettre à genoux, prier pour l’enfant mort »

Différentes dans leur structure et dans leur développement, les quatre parties de ce livre, bellement illustré par Pierre de Chevilly, soulignent l’évolution d’une poésie qui se construit grâce aux multiples expériences d’Odile Caradec, enrichissant la création poétique de ses propres émotions, de ses propres certitudes. La mort, omniprésente, utilise un répertoire parfois teinté d’humour, parfois gouverné par une sombre interrogation.

« Chez moi l’idée de mort a forme de vitrail / elle bouge avec la lumière / la mort est extensible »

Lire Odile Caradec est un bonheur car son œuvre est pays de partage. Partage de l’émotion et partage du sourire. Ses Masses tourbillonnantes envahissent notre espace comme autant de vrilles magiques qui, si elles creusent avec véhémence l’esprit et le corps humain, n’en demeurent pas moins d’agréables stimulus occasionnant à chaque page des frissons de plaisir.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 357, février 2008

Odile CARADEC, L’Âge phosphorescent (Multiples, collection Fondamente, Longages, 1996).

Une parole fine et robuste tout à la fois, et qui se sourit en elle-même ; sourire bienfaisant pour dire l’émotion des instants, des odeurs, les joies d’un corps en plénitude ou l’amitié douce de l’animal : les grands yeux mordorés de la chienne Vanille/ m’auscultent en silence ; sourire bouleversant réverbéré sur le compagnonnage familier des morts : Sous le bracelet de ta montre/ il y a, j’en suis sûre, des pellicules de ta peau/ les morts sont souvent très tenaces. Des façons directes et franches avec le langage, comme s’il ne pouvait ni trahir ni décevoir : embrassé avec sensualité, humour, amour et musicalité. De-ci, de-là, c’est persillé d’un rien d’argot, d’un brin de « villonelle », et ça vous décoche brusquement la chiquenaude initiale/ la joie totale et nue :

Les pelouses gorgées de pluie
les étoiles, la terre
on les serre contre son cœur
c’est le plus doux manteau du monde
un manteau ruisselant
scintillant
sylphidique
Un diaphane, un fragile univers
car il peut basculer dans les ténèbres sourdes
à chaque instant

Ce genre de petit livre relègue à cent lieues bien des créations « cérébrales » de l’époque.

©Paul Farellier

(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 2, 4ème trimestre 1997)