Odile CARADEC, L’Âge phosphorescent (Multiples, collection Fondamente, Longages, 1996).

Une parole fine et robuste tout à la fois, et qui se sourit en elle-même ; sourire bienfaisant pour dire l’émotion des instants, des odeurs, les joies d’un corps en plénitude ou l’amitié douce de l’animal : les grands yeux mordorés de la chienne Vanille/ m’auscultent en silence ; sourire bouleversant réverbéré sur le compagnonnage familier des morts : Sous le bracelet de ta montre/ il y a, j’en suis sûre, des pellicules de ta peau/ les morts sont souvent très tenaces. Des façons directes et franches avec le langage, comme s’il ne pouvait ni trahir ni décevoir : embrassé avec sensualité, humour, amour et musicalité. De-ci, de-là, c’est persillé d’un rien d’argot, d’un brin de « villonelle », et ça vous décoche brusquement la chiquenaude initiale/ la joie totale et nue :

Les pelouses gorgées de pluie
les étoiles, la terre
on les serre contre son cœur
c’est le plus doux manteau du monde
un manteau ruisselant
scintillant
sylphidique
Un diaphane, un fragile univers
car il peut basculer dans les ténèbres sourdes
à chaque instant

Ce genre de petit livre relègue à cent lieues bien des créations « cérébrales » de l’époque.

©Paul Farellier

(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 2, 4ème trimestre 1997)