Postface à La Splendeur déjà, de Monique ROSENBERG, recueil paru à L’Harmattan en 2006.

Venise a donc appartenu aussi à ce poète que toujours vers le monde porte une anxiété joyeuse. L’œuvre s’est rêvée séjour et présence, trouvant dans la ville des villes sa plus juste métaphore, à bonne hauteur de foule : solennité dormante et blanche.

Voilà une autre parole, née dans un allusif de pierre et d’eau, entre les ors – gloire et douceur, comme elles furent offertes, spontanément reçues.

Car le poète le sait : l’instant, s’il est sollicité, se dérobe, dissuade, élude. La pure imminence – rebelle – demeure inaccessible à toute forme de recherche. Aussi a-t-elle simplement rêvé la langueur infinie de cette ville dont l’être semble séparer les pans du monde : un être béni d’orgueil, dévêtu dans une belle odeur.

Ici, le mot ne chante jamais qu’en bon passeur de lagune : il peut vous porter bien vite de Torcello à Burano, à moins qu’il ne conflue dans la minute aux appontements tristes de Saint Marc ou de la Giudecca. Toutes les rives cernent le bassin sacré, la citerne des louanges.

Certes, devant La Fenice incendiée, le poète a vécu l’opéra synthétique d’une mort. Théâtre pour un passé dont les grands nus allongés dérivaient sur les eaux, sur les ciels. Quel amour, doucement débarqué, pourrait-il à nouveau gravir l’escalier du canal ? Verrions-nous, comme un retour en grâce, monter dans l’âme ses épaules blondes ?…

Mais loin d’une mélancolie, qui n’est pourtant pas ignorée, loin des thèmes de la décrépitude et de l’enfouissement dont les clapots viennent saper l’idéal vénitien, les pages que nous venons de lire veulent avant tout « habiter la clarté et le souffle/ dans la jouissance de la paix ».

Comme en tout vrai poème, une personne se construit.

©Paul Farellier