Une fois encore, déroulant inlassablement ses serpentins de lumière, Théo Crassas-le-Magnifique, le faiseur de beauté, nous donne à voir un éclatement d’images en cascades jaillies de toutes les mythologies qui se sont sédimentées dans la mémoire collective et dont les laves incandescentes ne cessent de bouillonner dans l’inconscient du poète. Nouvelle éruption de l’aède du Mont Pentélique qui se prétend : « …le grand prêtre d’Aphrodite », ce qu’on ne peut lui dénier si l’on en juge par sa puissance et sa fécondité verbale ! Dans la harpe céleste de Crassas-le-Pèlerin se prennent et chantent les étoiles, coulent les vers comme autant de diamants dans la ténèbre nocturne et s’irisent aux premiers feux de cette aurore qu’il appelle, qu’il convoque et qui a lieu dans l’émergence même du poème – soleil éblouissant montant à l’horizon de la page : « Ouvre les iris de ton cœur / et de ton esprit / à l’art poétique ! » D’aucuns, face à l’abondance des recueils qui se succèdent, diront : délire ! Je corrige et dis : « Délyre ! » On ne peut en effet faire entrer la démesure prométhéenne et apollinienne de cette création dans les tiroirs mesquins des habituels critères. La création de Théo Crassas est atypique et s’impose comme telle. Le poète prend soin de nous avertir : « Or, l’homme et la femme d’Occident / sont plus durs que les roches basaltiques, / plus féroces que les fauves / et plus funèbres que le Cerbère ! » Il y a quelque chose de hölderlinien chez ce poète dont les fantasmes célèbrent la soif d’une Parole Perdue et sont pure incantation de l’Absolu. Souhaitons à Théo le Pèlerin de l’aurore, ce qu’il se souhaite lui-même : « …qu’Apollon-Soleil / (lui) accorde le laurier / du concours lyrique / qui se tiendra à Délos la brillante, / l’île de la Manifestation divine / et reine de l’Égée ! »
©Jacques Taurand
(Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 20, second semestre 2005)