Monique W. LABIDOIRE, Peuplement de la parole, Éditinter (2003)

C’est à partir d’un onirisme ancré au cœur de la nature qu’ici le monde est observé, calibré. Le sous-titre du livre pourrait être « la nature et le cri ». Voici les bois, les prés, la fontaine, le verger, l’étang — mais aussi « les plaies de l’ombre », « les nuits de lune » ou « le commencement de chaque plante ». Monique W. Labidoire veut savoir dans quel labyrinthe nous sommes embarqués. Et d’abord, pourquoi et comment cette « terre d’épopée » peut-elle pratiquer « le métissage des espèces » ?

Cette primauté du rural et du végétal reste un chant d’amour, en marge des interrogations. Le poème en prose souligne la continuité des cycles, des couleurs, des rythmes cosmiques. La joie, la liberté qu’éprouve notre être dans cette plénitude (au-dessus de laquelle plane l’amour fou de la couleur bleue) jouxtent le déchiffrement des choses par le poème dans le mouvement du regard.

Écrire est à la fois une pacification et une épreuve, d’autant que « le sacré et la barbarie » nous escortent. Il faut savoir être dur pour «durer» ; «Celui qui écrit allie sa parole à celle du forgeron dans un feu qu’il faut attiser de constance». Les formules se font de plus en plus sonores et percutantes : « Le cœur se froisse au précipice de l’écoute ». Le chant de l’oiseau est indispensable à côté de « l’appel des sources », le gouvernail de l’écriture tenu par un capitaine aguerri.

©Jean Breton

(Note de lecture in Rimbaud Revue, N°31-32)