Elle, au « doux nom d’aïeule », est partie, doucement (« Par quelle grâce tient-elle tout ce temps… »).
Elle est encore là, doucement.
Ce n’est pas une Visitation glorifiée d’anges; ce sont mille et une modestes visites, que Bernadette ENGEL-ROUX nous rend évidentes, presque tangibles, de par les odeurs de vanille ou de verveines, de par les portes qu’elle passait-passe, de par les choses familières qu’elle touchait-touche… Elle parle encore comme à mi-voix, en italiques : « Lis des livres ma fille« . « Ange »? « Ombre ainsi qu’on dit »? C’est plutôt comme une lumière qui revient dans beaucoup de ces poèmes. Les cendres dispersées (L’urne et le geste sont pudiquement évoqués) sont partout, pollens, parfums, souffles. La distance entre l’ici et « ce là qui n’a de nom/ dans aucune langue » semble presque physiquement abolie : « sa main tourne mes pages ». L’auteur a trouvé la vieille dame « trop fragile pour tout ce poids de terre » et préféré la garder « intacte parmi nous/ ombre passante et sa lumière ».C’est l’une des clefs de la poésie tendre et aérienne de ce recueil :
mes pieds nus dans ses pas
elle m’a confiée au jour »
C’est avant tout dans cette voix douce ( « J’ai trop pleuré dit-elle et cousu trop de nuit »… magnifique alexandrin blanc) un bouleversant témoignage d’amour.
©Maximine (Lagier-Durand) – (septembre 2007)