Comme ce fut le cas avec « Manuel de survie pour un adulte inadapté », Jean-Pierre Lesieur publie « L’O.S. des lettres » chez Gros textes après avoir revisité la version qu’il fit paraître en 1975 aux éditions de l’Athanor (de Jean-Luc Maxence).
« L’Ouvrier Spécialisé des lettres », c’est bien entendu le poète, et Lesieur amorce dès l’abord la polémique à propos du statut social de cet individu marginalisé que les « grands » éditeurs ignorent et que la plupart des libraires refusent à leurs étals.
Aujourd’hui que la langue anglaise (respectable au demeurant) envahit tout et que l’on privilégie la vulgarité, ce livre arrive à point nommé pour dénoncer les carences d’un système où les créateurs sont impitoyablement rejetés par un public friand d’âneries et de facilités racoleuses.
Ici, point de discours académique, cependant, point de sentencieuses déclarations sur le devenir de la poésie et de ceux qui la conçoivent. Lesieur, mêlant humour et diatribe acerbe, dénonce l’impuissance des créateurs avec cette gouaille qui lui est naturelle. « Je ne suis plus le mannequin de vos changements de foi. Je pointe à l’ANPE des ruades ».
On rit parfois, on grince des dents, on prend fait et cause pour cet hurluberlu qui, tout comme nous tous et avec la meilleure volonté du monde, prêche dans le désert. Le désert de l’indifférence.
©Jean Chatard
Note de lecture in Les Hommes sans épaules, n° 21, premier semestre 2006.