On s’embrasse pas ?, Michel Monnereau, éd. La Table Ronde.

Avec son précédent roman, Carnets de déroute (même éditeur, 2006), Michel Monnereau a obtenu le « Prix du premier roman de Draveil » et le « Prix des lecteurs Atout Sud ». Excellents débuts pour un poète reconverti dans la narration en faisant un arrêt remarqué par l’humour (voir ses Zhumoristiques, Gros Textes, 2006) et autres ouvrages pour la jeunesse.

On s’embrasse pas ?, écrit comme Carnets de déroute à la première personne, raconte l’histoire de Bernard, un homme dans la quarantaine, débarquant dans ce qui lui reste de famille après des années de vagabondage à travers le monde et perturbant singulièrement la vie paisible de ces braves gens, à commencer par sa sœur, son beau-frère et leurs deux filles (dont l’une succombera au charme de l’arrivant). Il retrouve également sa mère qui ne le reconnaît pas de prime abord et le rend responsable de la mort de son père…

Ainsi débute ce roman qui serait cruel et pathétique si la griffe de Michel Monnereau n’était teintée de cet humour corrosif qui donne à son propos cette qualité d’écriture où les images fusent et où les réparties cinglantes provoquent le sourire, voire parfois le rire. « Il pleuvait toujours, et je n’aime pas la pluie quand elle s’acharne sur moi ; ça ne me dérange pas qu’elle tombe sur les autres, d’ailleurs ils projettent des parapluies tout à fait adaptés ». Bernard, anarchiste et provocateur, par sa seule présence, apporte ce parfum de « l’ailleurs » qui perturbe les uns et contraint les autres à envisager une existence différente de celle tracée de toute éternité. C’est l’histoire du vilain petit canard et du loup dans la bergerie.

À la fois désinvolte et hautain, Bernard est l’âme damnée d’une famille, un agitateur-né, capable d’assister à la mort de sa mère sans faire preuve de la moindre émotion.

Par le biais de ce héros en négatif, Michel Monnereau fait preuve, une fois de plus, d’un incontestable talent de romancier qui s’affirme à chaque page de cet ouvrage, démontant un à un les mécanismes d’une société dans laquelle chacun possède les cartes de sa propre destinée.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 352, septembre 2007