Cet exil d’exister, le poète y serait-il plus exposé que les autres ? Un « dehors » auquel il se dit « appartenir », des forces de vacuité et de provisoire dont il craint de ne pouvoir jamais se retrancher ni même se distinguer, c’est là tout le paysage d’une dépossession de soi. Pour enfin parvenir à soi-même, pour faire cesser l’exil, ne faudrait-il pas savoir se rendre extérieur au monde ? – un saut dans l’absolu que ne veut pas tenter ce livre.
Au contraire, c’est avec une manière de tendresse et un humour des plus attentifs que le monde et l’humain, dans leur « néantitude », sont sillonnés : véritable parcours odysséen sur les pavés ou à travers les terroirs, avec – en place de Lotophages, Cyclopes, Lestrygons ou Sirènes – balayeurs, clochards, piétons sans visage, commerçants, ouvriers, couturières… La résidence forcée, voici donc qu’on en découvre « l’usage » !
Mais en même temps notre vie est durement questionnée : « Comment de l’éternité nettoyer l’arrière-cour ? Peut-on la suivre sous la peau de la durée ? » Une allégeance « au monde invisible » est revendiquée. Même s’il ne semble qu’« injustifié, inutile, avec un amour qui sonne en nous comme une injure », Dieu étaye et promeut : « Dieu travaille à m’inventer dans la rude étoffe des êtres et des choses ».
Un grand voyage de la pensée où se révèlent puissance d’écriture et nouvelle maîtrise du poème en prose.
©Paul Farellier
Texte du « prière d’insérer ».