Recueil après recueil, et le vingtième, Requiem pour les mots, n’échappe pas à la règle, un cri traverse la langue (Le requiem est chanté dans la fraction du temps et réunit ceux qui veillent pour que les mots sortent de l’ombre), la mémoire et ses craquelures, le paysage ; un cri qui a pris ses racines dans la terre magyare (les poignants poèmes du chapitre « D’un passage », dédiés à la mère, le rappellent), la terre natale chantée et aimée (avec quelle force, dans Mémoire du Danube, La Bartavelle, 2000), mais à jamais bafouée par ce camp de la mort où son père a disparu. L’œuvre de Monique Labidoire est traversée par un cri qui dénonce la barbarie ; Labidoire dit la douleur et la surmonte : Ce n’est pas l’absence qu’il nous faut pleurer. – Nous n’avons rien perdu. – C’est glorifier une présence au monde – Et léguer, jour après jour, une force, une bonté. Son poème, espace de vie, aéré, n’est pas replié sur lui-même. Il est ouverture au monde et aux autres (La vraie vie se pose sur des espaces d’affection et d’amour), aux beautés minuscules ou cosmiques (Un monde fait tant de mondes), à la nature (la terre bulbeuse de jacinthe, grosse de graines) ; il ne cesse d’interroger les énigmes de l’écriture et de la poésie, toujours au centre de chaque voyage : Le poème requiert lumière et rythme, mouvement, mémoire, embrasement… le poème cisèle son mystère. Chez Labidoire, poète solidaire (Le poème porte l’espérance) en recherche perpétuelle d’harmonie, le poème sauve ce qu’il reste du monde.
©Christophe Dauphin
Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 28, 2nd semestre 2009.