Jean-Claude TARDIF : La Nada (Nouvelles pour l’Espagnol), Le Temps qu’il fait, 31 rue de Segonzac, 16121 Cognac cedex – 96 p. – 15 €.

Partagé entre prose et poésie, Jean-Claude Tardif dispose d’un éventail assez vaste pour s’affirmer dans l’une comme dans l’autre de ces disciplines et cela nous vaut alternativement la publication de poèmes (« Dans la couleur des merles » – LGR – , « À contre-fruits » – Éditinter –, « Les Tankas noirs » – Rafael de Surtis –) et celle de nouvelles et de récits (« L’homme de peu » – La Dragonne –, « Louve peut-être » – La Dragonne – et aujourd’hui : « La Nada »).

Avec « La Nada », Jean-Claude Tardif semble régler des comptes avec ses origines et c’est, dès l’abord, une saisissante photo de Robert Capa qui orne la couverture de ce superbe petit ouvrage. On sait, dès lors, que les thèmes abordés seront I’Espagne, le peuple espagnol, la guerre, l’enfance, peut-être…

On ne peut oublier ce visage, ce regard dur et volontaire que les six nouvelles de Jean-Claude Tardif font revivre au gré de la sensibilité et des souvenirs. Si l’on y trouve l’ombre superbe de Louis Guilloux et celle de Lény Escudero, ces nouvelles sont surtout construites autour de silhouettes anonymes et de mélancolie.

Ces nouvelles, par leur simplicité narrative, rejoignent l’espace secret où la mémoire se fait légende, où la réalité épouse chaque phrase, chaque mot, chaque silence. Le passé, ici, devient tangible et prend place dans l’histoire du peuple qui souffre et combat afin que les hommes et les femmes de l’avenir s’éveillent à l’amour.

Chaque livre de Jean-Claude Tardif est un petit bonheur d’intelligence et de talent. « La Nada » ne faillit pas à cette règle.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 32, 2nd semestre 2011

Jean-Claude TARDIF : Pierre Taillande l’homme aux papillons (« Pour une fontaine de feu » /Rafael de Surtis) 50 pages – 14 €.

Après une douzaine de recueils publiés, Jean-Claude Tardif, délaissant pour un temps la poésie, se consacre à la rédaction de petits romans, de nouvelles, de récits qui lui permirent de nous offrir successivement : Louve peut-être (La Dragonne), II existe aussi des histoires d’amour (Éditinter), Prorata temporis (Le Mort qui Trompe). Avec Pierre Taillande l’homme aux papillons, longue nouvelle de 40 pages, il nous fait pénétrer dans l’univers étrange et pathétique d’un marginal de la société, capable tout autant de nous bouleverser que de nous divertir. Ce qui frappe dès l’abord chez Jean-Claude Tardif, c’est un style d’une belle sobriété au service de l’histoire, dans un premier temps banale, d’un personnage assez falot, dont l’existence étriquée s’organise autour de petites habitudes. Alentour gravitent des individus assez ternes, gens du quotidien, hommes et femmes du commun. Le développement de l’intrigue fait incursion dans un humour passablement macabre (ristourne sur le prix des cercueils) avant de s’achever sur des pages où la dramaturgie recourt à des images suggestives sans jamais verser dans l’épouvante. On se gardera de révéler la fin de cette histoire à la fois simple et complexe où le cauchemar s’établit comme la normalité d’une situation donnée. Ce qui importe ici est le détachement avec lequel Jean-Claude Tardif s’empare de la situation et la manipule de telle sorte que le récit s’en trouve allégé. Réalité ? Fiction ? Qu’importe ! L’essentiel est que nous soit révélé un narrateur de haute volée qui s’inscrit d’ores et déjà parmi les écrivains de demain.

©Jean Chatard

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)

Prorata temporis, Jean-Claude Tardif, éd. Le Mort-qui-trompe, 1 Chemin de la Pelouse, F-54136 Bouxières-aux-Dames.

La personnalité littéraire de Jean-Claude Tardif se manifeste avec un égal bonheur dans les domaines de la poésie, du roman, de la nouvelle, mais également dans celui de la revue (il fut l’actif animateur du Nouveau marronnier et poursuit la publication de À l’index, 11 rue du Stade, F-76133 Épouville.) De plus, il anima jusqu’à ces derniers temps des « Rencontres » dans la petite ville normande de Montivilliers.

Plusieurs de ses nouvelles furent publiées dans diverses revues (L’Atelier du roman, Le Paresseux, La NTF, La Revue Littéraire, Rimbaud Revue, etc.) avec l’estime de ses pairs et un lectorat de plus en plus important.

Prorata temporis, nouvelle d’une soixantaine de pages qu’il publie aujourd’hui aux éditions Le Mort-qui-trompe s’articule autour d’un thème cher à Tardif avec de multiples retombées : la recherche affective du père, la fascination d’un avenir insolite que l’on bâtit autour de l’homme et qui tout aussitôt se délite, la traque de l’individu au profit d’une entité totalitaire, la douceur âpre des sentiments…

Ce qui importe dans les écrits de Jean-Claude Tardif est avant tout la maîtrise d’une langue qu’il utilise avec une jubilation quasi amoureuse. Les mots, considérés comme des amis au service d’une philosophie mêlant fiction et réalité, sont utilisés afin de cerner ce monde difficile dans lequel nous engloutit une bureaucratie toujours plus kafkaïenne.

À n’en pas douter, Jean-Claude Tardif (par ailleurs excellent poète) publie avec beaucoup de plaisir. Et l’on serait mal avisé de lui en faire grief, lui qui donne aux mots leurs chants et leurs ramures avec la seule ambition de partager dans l’euphorie de la narration ses bonheurs d’écritures.

©Jean Chatard

Note de lecture in Le Mensuel littéraire et poétique, n° 352, septembre 2007