Jacques TORNAY : Gains de causes (L’Arrière-Pays, 1 rue de Bennwihr, 32360 Jégun)

Une gravure originale de Claudine Goux accompagne les exemplaires de tête de cet ouvrage de Jacques Tornay qui, dans la cinquantaine de pages nécessaires à l’épanouissement de son œuvre présente, s’attarde avec une complaisance constructive sur des faits anodins qui, sous l’impulsion du créateur deviennent des événements essentiels.

«Quand la nuit s’assied à nos côtés
dans le noir quelque chose toujours s’élance et pour finir nous rencontre.»

Les vers, à l’image des gestes, sont ici à l’échelle humaine et la sophistication n’est pas une question de forme mais de fond, d’intime. Jacques Tornay avance dans le vaste domaine poétique avec cette assurance propre aux hommes de bonne volonté dont la simplicité naturelle n’affecte en rien le travail syntaxique.

« Je pressens un bonheur dans l’écheveau incandescent de la broussaille en août aux alentours de quinze heures,
et l’éternité qui trottine jusqu’au bout de l’étang pour en revenir
imprégné d’une odeur d’algues fraîches.»

« Gains de causes » entrouvre les portes, déplace les ombres pour mieux montrer les richesses d’une nature aux aspects multiples dont l’être humain dispose sans en être toujours conscient. Les poètes, mieux que bien d’autres, savent unir les gains que leur apportent les causes en marchant allègrement dans la clarté des textes.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 32, 2nd semestre 2011

JACQUES TORNAY, FEUILLES DE PRÉSENCE, L’Arrière-pays, 10 €.

Le temps de quelques poèmes, l’on se découvre sur un chemin du bonheur, ouvert par une confiance impalpable, sans cesse renaissante, qui permet d’enjamber les rêches traverses du présent.

À chaque instant, le banal est converti en infini:

« La vibration de l’air
entre l’insecte et la plante sera la préface d’un miracle ».

La poésie naît de la confidence la plus ingénue, qui est aussi la plus grave:

« Je m’en remets à la manière
que j’ai d’être et de respirer ».

Jacques Tornay veut saisir les « occasions d’éternité », en laissant la moindre manifestation de mouvement et de vie lui révéler l’essentiel.

« Le ruissellement d’une lampe » libère du temps; la flânerie ménage des îlots de merveilleux:

« Les mares près des jardins légumiers
À force de s’étendre se transforment en océans ».

Même si « le bord de l’effondrement » se devine en filigrane des bonheurs d’exister, Jacques Tornay cultive, ou plutôt détient cette capacité de s’ouvrir des « nulles parts » où, voile à voile, les choses s’effacent dans une sorte d’illusion bouddhique.

Pourtant, c’est bien dans le sens de la réalité la plus méditée qu’il faut suivre le poète pour apprendre de nouveau les noms infinis du monde.

©Gilles Lades

Jacques TORNAY : Feuilles de présence (L’Arrière-Pays, 2006 – 10 € – 1 rue de Bennwihr, 32360 Jégun)

« Une poésie qui m’apprend à vivre », serait-on tenté de dire après lecture de ce recueil. Son titre, Feuilles de présence, dans la simplicité d’un glissement de sens (présence du monde comme présence au monde) se trouve légitimé dès les premières pages : Jacques Tornay est tout occupé à rompre l’absurde procession des jours, à essayer de surprendre son vrai visage.

Pour quérir la résonance de la vie parfaite, il va piéger l’essentiel dans les manifestations du précaire et du minuscule : La vibration de l’air/ entre l’insecte et la plante… ou encore :

Aucun bruit entre nous sauf le tintement
de nos cuillères diluant le sucre dans les bols
sous la bruine du matin
.

et aussi :

L’oreille au-dessus d’un verre d’eau gazeuse,
j’écoute l’éclat des petites bulles et c’est admirable,
on dirait un lac en palabres
.

Il faut savoir reconnaître un bonheur : déclare-toi heureux,/ de l’infime que tu possèdes. Et plus loin : Je continue mon bonheur dans les choses que vous jugez insignifiantes. De là, tout un art poétique et une morale, en définitive, enseignant à n’être que de passage ; à s’installer dans l’évasif, le probable, là seulement où, paradoxe, se révèle une occasion d’éternité ; à comprendre enfin et à mesurer en nous-mêmes le pouvoir poétique :

Nous avons une voix pour le mûrissement du verbe.
Notre chance incroyable est la floraison et la récolte
effectuées dans le même instant.

Là résiderait le parfait achèvement d’un stoïcisme souriant – s’il est permis d’associer ces deux mots – et doué d’une patience hors de laquelle n’est suggéré aucun autre salut : Le temps s’écoule sans que l’on apprenne sa destination.

Ajoutons que la lumineuse fluidité de l’écriture n’est pas le moindre des mérites de ce très beau recueil.

©Paul Farellier

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)