Pierre DHAINAUT: Au-dehors, le secret (Voix d’Encre, 16 €).

S’interroger sur la poésie, sur des poètes et des peintres proches, sur les enfants, telle se présente la démarche de Pierre Dhainaut dans ce livre qui complète ce que l’on savait déjà du poète, attentif aux êtres comme aux paysages, à la réalité. Ici nulle propension à la théorie, mais un regard lucide, des réflexions qui éclairent l’œuvre poétique, qui permettent de constater qu’entre ces fragments et les poèmes existe une réciprocité sans faille. A lire ce qu’écrit ici Pierre Dhainaut sur la poésie, sur le travail qu’elle nécessite, se dévoile sa générosité, en même temps que transparaissent sa modestie, son humilité. Il suffit de glaner quelques propos pour se convaincre que la poésie est un acte exigeant, que nous lui devons tout: «Du poème espérer un miracle et ne lui attribuer aucun privilège», écrit Pierre Dhainaut. Car pour lui, le poème n’est pas l’unique moyen d’avoir prise sur le monde, il a une épaisseur physique et c’est peu à peu que l’on entre dans son univers qui l’incite à dialoguer avec le réel. Pierre Dhainaut déclare: «Un poète livre assurément le meilleur de lui-même avec le don du poème, lorsqu’il sait enfin que sur le poème le don l’emporte.» D’où cette sensation d’abandon du poème à sa légèreté, à sa liberté, à son caractère éphémère: «le poème, lui, n’est que l’empreinte d’un battement d’ailes, dans l’air, dans l’air libre», définition qu’un sage oriental n’aurait pas désavouée. A ce regard sur la poésie s’ajoute cet autre qu’il porte sur les paysages familiers du Nord sans cesse fréquentés, comme le pays des Moëres d’abord connu par le livre de Jean Laude: Les Plages de Thulé, ou le Cap Blanc avec lequel Pierre Dhainaut prend conscience du temps, sent affluer «la nostalgie».

Sur les poètes, Pierre Dhainaut fait part de ses réflexions: Kenneth White, Jean-Claude Renard et Jean Malrieu dont il fut très proche, mais aussi sur des peintres. Ainsi c’est à de Staël qu’il consacre le plus. Staël dont Pierre Dhainaut aime la lumière qui auréole ses tableaux et dont l’œuvre «n’a rien de désespéré», malgré la tragique fin de l’artiste. De même il voit dans les aquarelles de Manessier réalisées dans la baie de Somme le monde «rayonner».

Quant à ses petits-enfants, Pierre Dhainaut leur voue une infinie tendresse et il évoque leur émerveillement en face du monde, en face des mots, ces enfants qui sont pour lui une occasion de saisir l’instant lorsqu’il écrit si justement: «nous devons pour eux, avec eux, consentir au temps, saisir l’instant irremplaçable.»

Carnet de bord d’un poète, d’un homme qui ne s’affranchit jamais de la réalité, qui exprime avec émotion, sincérité son intériorité, Au-dehors, le secret dit la confiance que Pierre Dhainaut entretient dans la vision poétique du monde auquel les mots redonnent son sens, en justifient la présence.

©Max Alhau

(Note de lecture parue dans Europe, août-septembre 2005, n° 916-917)