Jacques KOBER : L’inusable des lèvres (2007, Maeght Editeur – 42, rue du Bac – 75007 Paris)

Il n’est pas innocent de voir accoler les noms de Maeght et de Kober, comme le poète s’en explique dans sa postface, se remémorant sa rencontre avec Aimé, à Cannes, en 1944. De cette rencontre allait naître la revue Pierre à feu, avec Léon-Marie Brest, Jean Cassarini et Jacques Gardies, soit une revue qui se donnait pour but de privilégier parmi les quatre éléments du monde, la terre et le feu d’une relance depuis sa ruine, et depuis ses ruines, à la condition humaine. Pierre à feu marquera le début de l’une des grandes aventures de l’art moderne. La maison Maeght, soixante-trois ans plus tard, n’a pas oublié Kober et c’est heureux de la voir éditer cet inusable des lèvres, un recueil au titre éminemment koberien : Île barrant la lagune à l’horizontale – avec l’inusable des lèvres. Paul Sanda, qui signe la préface, écrit avec justesse que, chez Kober, la poésie est de tous les instants, relevant que l’univers est souvent plus minéral et plus végétal qu’animal, donc plus enraciné que mobile, ce qui est étonnant pour un « nomade », car on ne cesse de voyager avec Kober, dans L’inusable des lèvres, comme dans ses recueils précédents : Tout homme et tout amour est un Jonas de cette grève – qui se roule sur d’éternels soubresauts d’hiver ; on voyage physiquement, géographiquement et oniriquement : la mer est une épine dans le gris mouillé de pluie des galets. Il est tout aussi juste d’affirmer que chez lui, c’est un précipité d’émotion qui provoque l’action : Ô comme cette houle est prosaïque qui destine l’amour sans pouvoir prononcer le cri ! Toujours initié par une émotion, le poème de Kober, comme la mer, monte et déroule les vagues de ses images pour se figer en croquis inusable. Le poème part souvent de petits riens, de moments anodins, que le poète intègre dans son univers intérieur, fusionne avec l’état de rêve, pour déboucher sur une surréalité qui lui est propre et qui culmine souvent vers le Merveilleux : L’après-midi rien ne vaut la peine… mais tout d’un coup il y a l’ouverture de la lagune.

©Christophe Dauphin

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)