Monique W. LABIDOIRE : S’aventurer avec Guillevic et neuf poètes contemporains – Éditinter, 2006 – 18 €.

Le titre de cet essai est éloquent. Toute approche de la création d’un poète est une aventure. Monique Labidoire a choisi de se hasarder dans la voie qui conduit aux neuf poètes que sont : Marc Alyn, Marie-Claire Bancquart, Serge Brindeau, Andrée Chédid, Charles Dobzynski, Alain Duault, Daniel Leduc, Bernard Vargaftig et Serge Wellens, en se référant à l’œuvre éclairante – à la fois novatrice et fondatrice – de Guillevic. L’aventure de Guillevic est en effet celle d’un engagement total dans la vie, elle est l’aventure d’un poète bâtisseur d’avenir qui a pris à bras-le-corps la matière généreuse et souvent ingrate de l’existence, l’incorporant à sa propre création, la pétrissant, faisant ainsi lever cette nouvelle pâte humaine pour obtenir ce pain de poésie qu’il nous a donné en fraternel partage.

Dans son Liminaire, Monique Labidoire nous explique : « Je veux parler d’une certaine perception du fait poétique transmis par Guillevic que j’ai eu la chance de connaître en poésie et en affection pendant plus de trente ans. » Elle met ensuite en lumière les correspondances qui s’établissent entre la démarche poétique de l’auteur de Terraqué et celle des poètes appréhendés : « L’un sculpte le silence, l’autre habite le poème, jusqu’au tremblement de la terre. L’une adresse des messages d’espoir et persévère dans sa confiance en l’humanité tandis que l’autre bouscule la petite musique de la poésie pour nous faire entrer dans une vérité qui nous dérange. » Ce qui retient le lecteur dans cette circumambulation autour de la poésie qui prend, tour à
tour, le visage de chaque auteur, c’est la finesse d’analyse de Monique Labidoire, le don de la formule qui condense en quelques mots l’essentiel de l’art de ces neuf poètes, c’est son aptitude empathique – autant de qualités qu’il faut mettre à son crédit. Cette vivante étude, grâce à la clef guillevicienne et au doigté de son auteur, nous permet d’approcher le Saint des Saints de chaque poète et nous communique incontestablement l’envie de pénétrer plus profondément les œuvres évoquées.

Si tel est l’objectif majeur que s’est fixé Monique Labidoire, sans nul doute elle l’a atteint.

©Jacques Taurand

(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 25, 1er semestre 2008)