CHRISTIAN SAINT-PAUL: LES PLUS HEUREUSES DES PIERRES, Encres Vives n° 361.

Ce recueil procède d’une voix grave et confidente. Un homme émerge de son passé et s’interpelle avec une lucidité sans amertume. Et sa compagne, compagne de vie, compagne de mémoire, compagne d’attente et de désir, laisse deviner sa présence intime et décisive:

« c’est l’heure où ta main fidèle
apaise l’impérissable peur ».

Le ressaisissement de la vie à la lumière de l’amour célèbre la quintessence des instants heureux sans dissiper les images de notre destinée. « L’arbre tutélaire » du jardin, choyé d’inquiétude, « l’esprit fantasque d’un air populaire » gardé dans un coin de l’attention, ne font pas oublier que

« la nuit douloureuse chuchote
dans la solitude des tombes ».

Ce recueil/poème dédié au couple, hymne et élégie, est traversé par la métaphore passionnelle. Occurrences du feu pour « nos joutes affamées ». Et la certitude gagnée:

« jamais plus notre amour ne sera malhabile ».

La femme, forte de son « estivale présence », sauve le poète de l’aridité rencontrée dans l’écriture:

« ces paroles qui m’attendent
abasourdi de leur tête-à-tête
qui languit quelque temps
dans un ténébreux hiver de la poésie ».

Cette œuvre commune de l’homme et de la femme, Christian Saint-Paul nous la dévoile à travers sa parole rythmée par la ciselure et le profil toujours renouvelés des strophes. Les images sont fortes et franches (« le règne noir/de la blatte », « les ruelles en pente/ du plaisir », « le roc du jour à venir »), et chaque poème campe une nouvelle perspective: « Du chemin nous sommes/ les plus heureuses des pierres », ce chemin qui se redresse avec le pathétique des espérances hasardées.

©Gilles Lades