Dans la plupart des textes réunis dans ce récent petit ouvrage de Robert Momeux, il est souvent question de chien : Et voyez le chien il sait bien que l’heure – Va bientôt sonner. Le ton est donné. Le pessimisme, doublé de fatalisme, s’insinue dans les mots du poème. On sait bien que le chien est le témoin attentif de nos angoisses et de nos peurs. Compagnon de tous les instants, l’animal connaît nos haltes et nos désirs. Il sait se hisser jusqu’aux trajets de la parole qui se mue en poème. Il est ce maillon entre instinct et intelligence, celui qui pressent les tremblements de terre avant l’homme et qui sait combien la mort est un accostage délicat pour chacun : homme et bête. Le chien n’est pas, cependant le seul élément marquant de cette poésie qui jongle, comme dans les précédents recueils, avec les mots du quotidien en offrant à chacun d’eux une place irremplaçable au sein de la formulation poétique. On retrouve, dans ce livre, les douces notations que Robert Momeux attribue aux hommes et aux femmes d’ici, avec cette tendresse qui n’appartient qu’à lui : Le temps n’a pas sa place – Le vent son mot à dire – Votre dernier été – Est plus beau que jamais. Le Bien du mal est un recueil de la maturité du poète, et son grand mérite (comme par le passé dans les œuvres de Momeux, mais avec une vigueur accrue, une limpidité dans l’expression) est de choisir les mots des humbles afin de montrer ce que l’homme démuni peut ressentir devant les échéances de l’existence : La mort, c’est lorsque tout s’arrête – Le petit bois devient plus sombre encore – Et la prairie s’enfonce dans le sol. Où est le Bien ? Où est le Mal ? Qui, à part quelques poètes, pourra déterminer la part de l’un et la part de l’autre sur les pauvres individus fragiles que nous sommes, à la recherche d’un bonheur que nous ne trouvons pas. Un livre bouleversant.
©Jean Chatard
(Note de lecture in revue Les Hommes sans épaules, n° 31, premier semestre 2011)