Monique LABIDOIRE : L’intimité du poème, 80 pages, 15 € (Sac à mots, La Rotte des Bois, 44810 La Chevallerais ; 2014).

La poésie de Monique W. Labidoire est de celles que l’on aborde avec une certaine confiance sachant par avance qu’elle nous interpellera par son originalité et la profondeur de ses arguments. Alain Duault, le préfacier, ne s’y trompe d’ailleurs pas lorsqu’il souligne le caractère proustien des textes qui occupent la dernière partie de cet ouvrage, sous le titre de À l’ombre des aubépines. Vivante dans les mots, Monique W. Labidoire approche de l’absolu avec cette sensibilité qui n’appartient qu’aux femmes et aux artistes féminins, en tout premier lieu. Ces poèmes adoptent résolument la prose afin de mieux s’articuler autour de la poésie de cette auteure, afin de mieux cerner l’évolution qui, dans le vers rimé ou le vers libre se trouve, non pas prisonnière mais entravée par sa musicalité même. Il est malaisé de citer un exemple ou un extrait tant cette prose est compacte. Et très belle au demeurant. Monique W. Labidoire, avec plus de vingt ouvrages (dont tout récemment, Dans le jardin obscur, Le Passeur éditions, 2014 ; une libre conversation sur la poésie avec Alain Duault), s’affirme comme l’une des auteures importantes de notre petit univers poétique.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, N° 39, 1er semestre 2015.

Monique LABIDOIRE : Requiem pour les mots (104 p. 17 €. Éditinter, 2009).

Recueil après recueil, et le vingtième, Requiem pour les mots, n’échappe pas à la règle, un cri traverse la langue (Le requiem est chanté dans la fraction du temps et réunit ceux qui veillent pour que les mots sortent de l’ombre), la mémoire et ses craquelures, le paysage ; un cri qui a pris ses racines dans la terre magyare (les poignants poèmes du chapitre « D’un passage », dédiés à la mère, le rappellent), la terre natale chantée et aimée (avec quelle force, dans Mémoire du Danube, La Bartavelle, 2000), mais à jamais bafouée par ce camp de la mort où son père a disparu. L’œuvre de Monique Labidoire est traversée par un cri qui dénonce la barbarie ; Labidoire dit la douleur et la surmonte : Ce n’est pas l’absence qu’il nous faut pleurer. – Nous n’avons rien perdu. – C’est glorifier une présence au monde – Et léguer, jour après jour, une force, une bonté. Son poème, espace de vie, aéré, n’est pas replié sur lui-même. Il est ouverture au monde et aux autres (La vraie vie se pose sur des espaces d’affection et d’amour), aux beautés minuscules ou cosmiques (Un monde fait tant de mondes), à la nature (la terre bulbeuse de jacinthe, grosse de graines) ; il ne cesse d’interroger les énigmes de l’écriture et de la poésie, toujours au centre de chaque voyage : Le poème requiert lumière et rythme, mouvement, mémoire, embrasement… le poème cisèle son mystère. Chez Labidoire, poète solidaire (Le poème porte l’espérance) en recherche perpétuelle d’harmonie, le poème sauve ce qu’il reste du monde.

©Christophe Dauphin

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 28, 2nd semestre 2009.

François LEPERLIER : Attraction, planches graphiques de Jean-Pierre Hamon, Trace(s) – Passage d’encres, 68 p. – 15 €.

L’œuvre de François Leperlier pour éclectique qu’elle soit, obéit, me semble-t-il aux assauts brûlants d’un Surréalisme omniprésent dans lequel il détient les rênes de l’action et, en même temps, subit les vibrations du vivant qui l’entoure.

On sait qu’il s’intéressa à Magloire Saint-Aude ainsi qu’à Claude Cahun, deux personnages proches de Breton sur lesquels il apporta de précieuses informations. Cela pourrait n’être qu’une « attraction » foraine mais cela ressemble fort à une « attraction » qui implique le poète au plus intime de sa sensibilité.

« Et de vider à proportion de ce désir, pourquoi pas, un monde bien plein, tout de long, d’un coup, hourra, avec son idée dedans. »

L’idée »)

Avec « Attraction », François Leperlier fait appel au graphisme de Jean-Pierre Hamon, un graphisme étrange qui rappelle les relevés géométriques et en même temps les précieux manuscrits conçus afin d’exprimer ce que la créativité emmagasine avant de se répandre en œuvre d’art.

« Chacun a eu son mot sous la porte et l’a pris pour une tâche… chacun a vu son sang sous la porte. »

La tâche »)

« Attraction » est un livre que l’on sent maîtrisé, porteur de rigoureuses images que l’on partage dans la complicité littéraire et l’amour de l’étrange.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd semestre 2012.

Jean-Paul GIRAUX : Aragon, Césaire, Guillevic et 21 invités du « Mercredi du poète », études et entretiens, Anthologies de L’Arbre à paroles, 270 pages – 18 €.

Cette anthologie est le résultat de diverses rencontres organisées dans le cadre du « Mercredi du poète » à la brasserie du « François Coppée », à Paris, rencontres et entretiens que Jean-Paul Giraux a publiés, dans un premier temps dans diverses revues (dont « Poésie sur Seine » et « Poésie / Première ») et qu’il rassemble aujourd’hui en un volume de plus de 250 pages pour les éditions de L’Arbre à paroles.

Pour chaque invité, Jean-Paul Giraux rédige un texte (de différentes longueurs selon la personnalité de l’un et l’inspiration de l’autre) et le publie dans l’une ou l’autre de ses revues de prédilection.

Nous ne nous attarderons pas sur Aragon, Césaire et Guillevic, trois grands de la poésie francophone que tout le monde connaît. Si nous en avions le temps, nous nous pencherions plus volontiers sur les essais concernant Claude Albarède, Jean-Louis Bernard, Claudine Bohi, Jacqueline Bregeault-Tariel, Danièle Corre, Monique W. Labidoire ou bien encore Jacques Simonomis à qui l’on accorde une « postérité » de tous les instants.

Jean-Paul Giraux présente chacun des « invités » avec une très chaleureuse aisance et ce n’est pas sans émotion que nous retrouvons ici Jean Joubert, Vénus Khoury-Ghata, Lionel Ray, Nohad Salameh, Jean-Pierre Siméon et quelques autres qui nous pardonneront de ne les pas citer.

Cette anthologie « intelligente » mérite que l’on s’y arrête et que l’on fasse chemin commun avec ceux et celles qui font la poésie aujourd’hui.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd semestre 2012.

Colette KLEIN : Derrière la lumière (« À vous de l’autre rivE » / Alain L. Benoit)

Colette Klein a confié à l’éditeur Alain Lucien Benoit la réalisation de cet ouvrage de luxe dédié au regretté Pierre Esperbé, décédé il y a peu. C’est dire que le livre, bellement illustré par l’auteur, est sans doute un hommage sensible, mais également le cri désespéré d’une femme qui pleure un amour disparu à jamais.

« Je me cogne à la lumière derrière laquelle tu cesses d’exister ».

Avec la pudeur qui la caractérise, mais avec aussi le désespoir omniprésent qui accompagne chaque geste, Colette Klein dénonce l’injustice de cette séparation qui la prive d’une essentielle raison de vivre.

Éperdue, elle demande avec une ingénuité peu commune :

« Crois-tu que je puisse encore te ramener jusqu’au rivage ? »

Personne ne répond à sa question et elle sait bien qu’elle devra assumer sa solitude. Déjà, elle constate combien cette solitude envahit l’espace avec, cependant, l’espoir d’un vague Paradis, ici, là-bas, n’importe où.

« Je suis l’ombre que tu attends ».

L’amour n’oppose aucun tabou et la passion s’alimente au lyrisme d’une poésie dont le désespoir est le fer de lance de toutes survies.

« Je dors près de toi dans un lit de feuilles mortes ».

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd semestre 2012.

André BRETON persiste – Dossier collectif réunissant des textes de Jacques Kober, Pierre Schroven, Antoine Colavolpe, Pierre Grouix, Cécile Mainardi et Jean-Michel Robert. Postface de Daniel Leuwers : « Grandeur pour l’essentiel ». Avec divers documents : lettres, photos, etc. Imprimé en Belgique (revue « Remue-méninges ») 7 €.

Les rêves les plus fous assaillent les principes dans ce nouvel ouvrage (dont André Breton signe les premières lettres, adressées au jeune loup qu’était Jacques Kober dans les années cinquante).

Plusieurs lettres donnent à Kober le feu vert du Surréalisme, un Surréalisme que Breton tient à maîtriser aux yeux du futur auteur de « Jasmin tu es matelot » qui, s’il fréquente les artistes et les littérateurs de toujours, n’en demeure pas moins un homme intègre capable de remettre sur pied un vieux mas, mais également une grande sensibilité qui installe sa réputation auprès des meilleurs.

Le livre s’articule autour d’un malentendu opposant Kober à la nouvelle équipe stalinienne. On sait combien le phénomène fut courant lors de diverses rencontres nécessairement agitées. Jacques Kober bataille pour attiser « l’intraitable » qui n’a aucune ambition d’école littéraire mais celle de découvrir et de changer la vie au plus près de la vie, entouré de ses admirateurs les plus fanatiques. André Breton, dont on fêtera bientôt le quarante-cinquième anniversaire de la mort, « persiste » dans cet ouvrage conçu tout à sa gloire mais en sauvegardant une grande part de vérité.
Sur plus de 50 pages denses, Jacques Kober rassemble les témoignages où le positif et le négatif s’affrontent, se heurtent, se complètent à telle enseigne que l’auteur des « Manifestes » en ressort moins « pape » et plus humainement écrivain.
On retrouve dans cette étude les noms de Pierre Schroven, Antoine Colavolpe, Pierre Grouix, et Jean-Michel Robert.

Daniel Leuwers justifie la postface : « Grandeur pour l’essentiel ».

Dans ce « Cahier collectif » où André Breton, dépoussiéré, plus actuel que jamais, « persiste », les nouveaux « Surréalistes » « signent », et c’est une belle leçon de modestie et de poésie.

Les Surréalistes furent toujours des êtres sensibles capables de tout. Et du meilleur.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd semestre 2012.

Michel BAGLIN : De chair et de mots, Le Castor Astral, 114 p. – 13 €.

Tout comme beaucoup de revuistes (Michel-François Lavaur avec « Traces », Jean-Pierre Lesieur avec « Comme en poésie » ou Jacques Morin avec « Décharge »), Michel Baglin reste lié au titre « Texture », très attachante revue qui laissa derrière elle un sillage des plus créatifs. À ses côtés, à la manœuvre : Michel Baglin qui, par le biais du roman, de la nouvelle, du poème s’établit comme l’un des poètes les plus avisés d’aujourd’hui et c’est une excellente initiative que de le rassembler en une belle anthologie personnelle.
« De chair et de mots » est un tout traversé par l’inspiration d’un créateur dont le charme poétique compose avec la vie de chaque jour.

Poète de l’amitié, poète des contacts (il fut journaliste longtemps), Michel Baglin épouse pleinement la réalité qui l’entoure. Le marcheur qu’il est devenu sait faire halte devant les paysages ou les hommes qui méritent attention. Le chemin qui est le sien n’est pas une route, ni une avenue mais une impasse, un sentier à peine défriché. Seulement perceptible aux connaisseurs.

C’est dire que Michel Baglin découvre pour nous un monde qui nous glisse entre les mains, entre les yeux.

Un monde qui s’évapore dès que né, qui s’évapore pourtant gorgé de suc et de sève.

« Laisser venir au monde tout le réel qu’on porte
et qui mûrit quand on écoute
et s’accomplit si l’on consent.
»

Dans ce livre, chaque mot est un battement de cœur.

©Jean Chatard

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 34, 2nd trimestre 2012.

Judith CHAVANNE : À ciel ouvert, L’Arrière-Pays, 2011.

La vie fragile, la chaleur à prendre et à donner, et on laisse le monde à distance, par crainte d’être blessé, par défiance de « ces gestes qui pansent la souffrance que, même lointaine, tu pressens au monde », et l’on mijote dans le temps, en meublant d’inventions le quotidien, en élargissant le regard qu’on porte sur les choses. On choisit d’ouvrir son écriture pour éviter d’encombrer son esprit, « on sent ou non, selon le vent, l’odeur de chèvrefeuille », on réclame l’hospitalité à la lumière, on plaide pour « quelque chose comme l’herbe, une bonté à venir », on en appelle à des philtres splendides et si ténus, suspendu « à ces mots dont nous avons tout épuisé/ sauf peut-être l’inespéré – la résonance. » Tout un art poétique s’infuse dans ces pages à l’allure modeste, rythmée par la monotonie des jours serrés autour de la maison et du jardin où figure un cœur immense, « où rien n’a semble-t-il de nécessité ». Un lien fragile garde la vie sauvée que l’on noue et renoue en dressant des constats pour s’appuyer sur des présences familières (« La chaise est demeurée au jardin malgré l’automne ;/ les feuilles du saule parfois se posent sur le siège, parfois le soleil, ou un moineau sur un dossier »), pour se rassurer sur l’état de soi et du monde : Une mésange à l’équilibre/ sur l’arche d’une tige/ de rosier aux roses rouges ;/ ils se sont tus de l’autre côté du carreau/ pour n’être plus/ qu’une seule lumière tournée vers l’oiseau./ Si peu – l’oiseau un temps se balance,/ déjà il a fui –,/ à quoi tient peut-être un amour :/ quand on suspend à deux son souffle pour/ autre chose, n’est-on pas liés dans l’indicible ?

©Alain Breton

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 33, 1er semestre 2012.

Francesca Y. CAROUTCH : Clameurs nomades, Éditions du Cygne, 2009.

Lorsqu’on essaie de rejoindre « l’esprit universel » et d’« apprendre l’écoute des mondes », quand « tout ce que tu contemples de l’intérieur est à toi », la vie s’ouvre à la quête de l’esprit et des sens. Mais il s’agit de regarder autrement les choses simples qui disent l’alliance de l’homme et du mystère primitif. Alors, nous pouvons voir « les nymphes dans le cœur des tubéreuses » et entendre « les musiciens des abysses ». Table de résonance, le monde est à l’épreuve de la vie intérieure et de « l’inconscient de la nature », sous les astres qui « blessent et guérissent » : « Énergie à l’état brut/ Se fondre en toi/ Réel si gorgé de sens/ qu’il n’a plus rien à révéler ». Mais rien n’est aisé, tout procède d’un combat, car le « défi est la clef » et l’Éden un devoir, une charge. Ainsi témoigne-t-on des marques de l’enfance dans cette dédicace aux hiers : « Nous survivions/ Car nos murs étaient faits/ d’amour et de lumière ». Venu de si loin, l’espoir rayonne, dans « l’attente de l’anachorète qui sauve(ra) le monde », pour que notre joie « de rien du tout » se trouve face à l’éveil sur le « radieux chemin de la marche éternelle ». Le couple est très présent dans ce recueil. L’homme, le premier initiateur, est celui qui, « né de l’espace, survint avec ses armes magiques ». Enlacés, les amants survolent les collines, dans un monde vu nouveau, où « les phénomènes sont des fleurs », où « les îles vont et viennent » pour vivre la fusion avec « les larmes d’Éros dépecé/ patiemment recousu ».

Pour Francesca Y. Caroutch, tout passe, sauf la poésie qu’elle imagine « foi vivante des anciens/culte voué aux trépassés de l’avenir ». Entrez donc. Ici, on initie.

©Alain Breton

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, n° 33, 1er semestre 2012.

Jean-Luc MAXENCE : Soleils au poing, préface de Patrice Delbourg, Le Castor Astral, 2011.

La préface, et c’est rare, ébruite sans complaisance un pan de l’histoire de ce poète ; ses grands défis à l’ombre encombrante du père, son parcours d’éditeur, son installation dans la psychanalyse, son aventure humaine. Elle dévoile un peu du voyou d’Éros, du voyeur mystique, du poète romantique et réaliste qu’il sait être à la fois. Présenté comme un auteur hérétique par Pierre Seghers, hanté par tout ce qui bout dans l’alambic du siècle, Jean-Luc Maxence propose un choix de poèmes courant sur quarante ans, réparti sur huit recueils et intitulé : Soleils au poing… On pourrait disserter sur le pluriel du titre, y lire tous les appels (Éros, Dieu, la poésie…) d’une passion comme démultipliée. Peut-être que cet extrait éclairera le lecteur :

Vous étiez la dernière étape avant la lumière
Mais je n’avais pas encore pleuré à perte,
Pour comprendre quelle nuit claire d’après l’orgie
M’attendait à la porte, là-bas, du côté de la chapelle,
Pour faire de mes paumes des lampes éternelles.

Il s’agit du bilan d’un homme qui s’est engagé dans l’expression de l’art sans tricher. En cela, son œuvre coïncide avec les grands enjeux de la poésie de l’homme ordinaire : assumer son état de ludion lyrique, jongler avec ses contradictions et prendre le parti des déshérités contre les monstres engendrés par la société libérale (« Près du Parlement-guignol/ À la manière d’Éluard/ Ils ont écrit ton nom/ Coca-Cola »). La cueillette comprend des témoignages intenses de l’auteur sur sa vie et sur son époque. Maxence n’y cache rien : il a écumé les dangers de la nuit au plus noir de l’être, rencontré le « jeune beatnik éthéromane/ Qui vend des croix ivres/ Aux jaguars », tangué entre la vie et la foi, avec « des tentations d’en finir » et la volonté de « chasser ses viscères mystiques ». Non sans humour parfois, surtout dans son rejet des mondanités (« Mon nœud papillon est de travers », « Et tu prenais la fuite d’un air bien élevé »), les poèmes accumulent les témoignages sur des événements intimes, sur les amours qui tourmentent mais sont aussi fécondants, les douloureux tripotages fraternels, l’expérience – réussie – du divan, tous ces caïds d’une histoire individuelle compliquée dont les traits les plus marquants furent la solitude et le scepticisme qui envenimèrent l’enfance : « Je savais par cœur la fausseté du monde », « Puisque tout insulte la planète …/ Puisque tout meurt dans l’amertume des dieux ». Une étrange malédiction est évoquée parfois dans les pores de l’angoisse, comme une haine de soi : « On ficelle comme on peut le cadavre/ On décline la peur banale/ On est androgyne pour finir. » Des blessures morales, des hontes sont égrenées dans le chapelet des humiliations : « Vingt fois les femmes m’ont tué/ Vingt fois j’ai souhaité renaître/ Du désastre de mes nuits ».

Le poète, pour exalter le sentiment de la beauté, sait faire jaillir des formules souveraines qui expriment assez le rang que la poésie occupe dans sa vie : « Tuez-moi aussitôt si je ne chante pas vrai », ou « Ne dites rien qui ne soit neige ». Certains couplets magnifiques invitent même à une lecture magique :

Singes bizarres de Nazca
Astronautes incas
Araignées d’écriture géante
Que dites-vous sur la pampa
Du temps qui meurt ?

©Alain Breton

Note de lecture in revue Les Hommes sans Épaules, 1er semestre 2012.